Agriculture biologique

Des champignons comme alternative pour fertiliser les plantes.

L’usage des éléments vivants tels les bio-fertilisants mycorhiziens pour accroître la production agricole, était au menu d’un symposium international tenu récemment à Yaoundé dans l’optique de promouvoir une agriculture saine et durable.

La recherche est formelle: on peut bien produire et accroître les rendements agricoles en utilisant autre chose que les engrais chimiques, pour stimuler la croissance des végétaux.
Des espèces vivantes appelées champignons mycorhiziens ont été expérimentées avec succès comme fertilisants naturels. Ces êtres microscopiques recueillis, conditionnés dans du substrat en terre et appliqués sur les plantes s’avèrent aussi efficaces que n’importe quel autre engrais, et bien plus, ils permettent en outre à la plante de résister aux attaques de certains ravageurs. Telle est la substance des arguments développés par une demi-douzaine de chercheurs conduits par le Professeur Dieudonné Nwaga, du Laboratoire de biotechnologie des sols à la Faculté des sciences de l’université de Yaoundé 1.

Produire sans détruire
Lors du symposium intitulé Africa bio forum, organisé le 15 décembre 2014 à Yaoundé par la Fédération africaine d’agriculture biologique (Faab), les chercheurs se sont déployés pour défendre ce que d’aucuns considèrent déjà comme l’alternative la plus viable pour développer l’agriculture sans détruire la terre.
Eco agriculture, agriculture biologique ou agriculture naturelle sont autant de termes qui ont émaillé les échanges. Ces concepts qui se rejoignent dans la pratique, font actuellement recette auprès de tous ceux qui partagent l’idéal ou l’idée d’une agriculture respectueuse de l’environnement, de la qualité des aliments et de la santé des agriculteurs.

«L’intérêt est de passer d’une agriculture polluante à une agriculture plus saine.» explique le Pr Nwaga. S’inscrivant en faux contre ceux qui ont tendance à associer l’agriculture biologique à une production peu abondante et des produits chétifs qui ne paient pas de mine, il assure que cette agriculture est capable de fournir des produits en quantité et en qualité pour assurer la sécurité alimentaire en Afrique et au Cameroun.
Toutefois, reconnaît le chercheur: «Le lobby agrochimique est suffisamment fort pour ne pas laisser libre cours à une politique de promotion de l’agriculture écologique. Mais nous avons le devoir de développer des aliments de qualité pour nos populations.»
Meilleur rendement
La santé des plantes est garantie avec l’usage des fertilisants mycorhiziens, renchérit Marie Ngo Baneg, responsable de production des bio-fertilisants mycorhiziens au Réseau africain des forêts modèles. «Un plant mycorhizé supporte mieux la sécheresse. Les mycorhizes l’aident à mieux retenir l’eau pour lutter contre le stress hydrique et même contre les nématodes à galle.» insinue-t-elle, en précisant que les traitements chimiques sont prohibés dans les champs fertilisés aux mycorhizes. En effet, les champignons, individus vivants, meurent au contact des produits chimiques.

Pour expliquer l’action des champignons mycorhiziens dans le sol, la jeune chercheur relève que le phosphore emprisonné dans le sol est de 20 fois plus important. Après l’application des bio-fertilisants, les mycorhizes s’agrippent à la racine de la plante et l’aident à libérer et à absorber en quantité suffisante le phosphore et d’autres éléments minéraux comme l’azote et le zinc séquestrés par les sols acides.

D’après elle, en associant au bio-fertilisant mycorhizien un bio-pesticide (voir en pages suivantes quelques process de fabrication d’insecticides et de fongicides naturels) pour lutter contre les pestes et tout ce qui vient s’attaquer à la tige et aux feuilles, on est sûr d’avoir le meilleur de la plante en termes de résistance et de rendements.
Cependant, prévient Marie Ngo Baneg, la production de bio-fertilisants mycorhiziens tout comme d’ailleurs celle des engrais conventionnels, n’est pas à la portée des agriculteurs: «C’est tout un processus qui demande des connaissances scientifiques précises à la base, puis le suivi des étapes d’analyses spécifiques qui ne sont possibles qu’en laboratoire.»

Au Cameroun, mises à part quelques initiatives privées, les producteurs de bio-fertilisants ne courent pas encore les rues. Idem pour les producteurs de semences et autres intrants biologiques. Le chemin vers une agriculture biologique de masse paraît encore long. Mais pas insurmontable.
Marie Pauline Voufo

« Les bio-fertilisants mycorhiziens augmentent le rendement des cultures de 50% à 200% »

Pr Dieudonné Nwaga, Maître de conférences, Centre de biotechnologie-Université de Yaoundé I

“ Non ! L’agriculture bio, ne veut pas dire des produits rabougris et chétifs, sous prétexte que le sol est pauvre parce qu’on y a rien mis. Les produits biologiques peuvent être aussi fermes et consistants.

En Afrique subsaharienne, il y a un problème d’infertilité des sols due à leur acidité. Principalement au Cameroun, plus de 70% des sols sont acides, surtout dans la zone forestière. Pour s’en sortir, la plupart des producteurs pratique l’agriculture itinérante sur brûlis. Mais elle dégrade le sol, décimant les micro-organismes et les champignons protecteurs qui s’y trouvent.

Au lieu de recourir aux engrais chimiques chers et nocifs pour amender les sols, on peut utiliser des fertilisants naturels. Le compost est une alternative, mais il bute sur l’obstacle des quantités importantes à appliquer sur les grandes surfaces.

Quant aux bio-fertilisants mycorhiziens, ils s’utilisent en petites quantités. Leur application permettrait de réduire le coût de production et d’augmenter les rendements des cultures de 50% à 200% selon les espèces culturales.
Pour produire le coton par exemple, la protection chimique atteint  souvent 40% du coût de production, alors qu’en utilisant le bio, le coût de production peut baisser à 10% pour un rendement identique sinon meilleur.

Le Cameroun importe par an plus de 60 milliards de Fcfa d’engrais chimiques nocifs à terme pour le sol. Pourtant, le sol est une richesse qu’il faut préserver. La nécessité d’un lobbying autour de cette question s’impose auprès des  décideurs afin qu’ils comprennent l’intérêt de valoriser nos ressources naturelles.

Les bio-fertilisants mycorhiziens sont des produits recommandés par le comité camerounais de bio-sciences depuis 2001. Il faut qu’on en arrive à promouvoir les structures qui les produisent ainsi que celles qui peuvent produire les bio-pesticides et les semences biologiques et les vulgariser auprès des utilisateurs.»
Propos recueillis par Marie Pauline Voufo

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