La localité d’Atok située sur la route Yaoundé-Bertoua garde encore les vestiges de son passé colonial. Mais elle aspire à la modernité.
“L’histoire, la géographie, la sociologie et l’économie d’Atok ont été façonnées des années durant par la culture du cacao et du café. Introduite par l’administration coloniale à la fin du XIXème siècle, le cacao et le café étaient cultivés par des planteurs occidentaux. Plus tard les plantations tombèrent dans le portefeuille de la Compagnie forestière de la Sanga et de l’Oubangui (CFSO). Aussitôt, les parcelles tenues par les villageois et certains opérateurs furent créées autour de ces exploitations industrielles », raconte Dieudonné Day Zal, Maire de la commune d’Atok.
Atok, chef-lieu de l’Arrondissement Bebend dans le département du Haut-Nyong, est situé à l’Est Cameroun, à 160 km de Yaoundé. Estimée à 24000 âmes, la population d’Atok est composée essentiellement des Maka Bebend qui vivent en harmonie avec d’autres ethnies (Gbaya, Kako et Maka Boangz). Un foisonnement de peuples qui justifie la traduction du terme « Atok » qui signifie mare d’eau composée de plusieurs types de poissons.
Selon Jean Jaures Aman, notable à la chefferie de 3ème degré, ce foisonnement des peuples vient du fait que, Atok fut après Ayos, le second site de traitement de la maladie du sommeil par le Docteur Jamot en 1923. Venant pour se faire soigner certains de ceux et celles qui étaient guéris s’installaient et se lançaient dans l’agriculture, l’élevage ou la pêche.
Un pôle caféier et cacaoyer
Longeant les deux côtés de la route, les habitats améliorés qui se succèdent les uns après les autres, montrent qu’à Atok, le cacao et le café ont permis aux producteurs d’embellir leur cadre de vie.
La qualité des régimes de bananier plantain, des tubercules de manioc ou encore de cuvettes de macabo placés dans des hangars d’exposition-vente en bordure de route, témoigne de la fertilité du sol.
La pêche n’est pas en reste. La présence de plusieurs variétés de poissons fumés et frais, accrochés également le long des routes trahit la proximité avec le fleuve Nyong.
Avant l’avènement de la route Nationale N° 10, le café et le cacao d’Atok étaient évacués via le Nyong, navigable à cette époque d’Abong-Mbang jusqu’à Mbalmayo dans la région du Centre, point d’embarquement pour le port de Douala. De 1920 au début des années 1950, Atok était en effet un port cacaoyer et caféier. Les vestiges de cet ouvrage sont encore visibles au bord du Nyong à 4 km du centre d’Atok. Ils offrent aux visiteurs la possibilité de découvrir les restes de l’administration coloniale.
Au centre d’Atok, trône le palais du chef supérieur de 1er degré des Maka Bebend. Il accueille touristes et visiteurs chaque jour. Véritable œuvre architecturale Bantou, c’est le reflet d’un savant mélange entre les valeurs traditionnelles Bebend et la modernité.
Une culture diversifiée
Les populations d’Atok préservent et valorisent leur culture. Ici, on ne tend pas la main au chef pour le saluer, mais on s’accroupit, la tête et les épaules rabattues, et le chef vous pose sa main sur l’épaule pour vous signifier que vous êtes le bienvenu. Au palais comme lors des sorties, le chef est entouré d’une garde rapprochée composée de vigoureux jeunes gens du village.
Les plats traditionnels des Maka Bebend restent le Pkwem (feuilles de manioc) accompagné de Ndengué (purée de banane plantain) et le Ngoande kouma (mets de manioc).
Les rythmes de danse sont variés ; on peut citer l’alenga, l’adouyayé et l’akoultang.
Pas d’électricité
Les infrastructures sociales et de développement dans le groupement Bebend se résument à une école primaire et maternelle publique, un lycée d’enseignement général et un collège d’enseignement technique.
Pour la santé et la sécurité de ses populations, Atok dispose d’un centre de santé et d’une brigade de gendarmerie.
Sur le plan spirituel, les Maka Bebend vouent un respect aux esprits de leurs ancêtres. De même, les grandes chapelles de l’église catholique et de l’église presbytérienne implantées depuis de longues dates servent au recueillement spirituel des fidèles chrétiens.
L’implantation de la téléphonie mobile permet aux populations locales de s’arrimer à la modernité. Mais pour charger les batteries de leurs téléphones, les populations doivent avoir recours aux groupes électrogènes. La localité ne dispose pas d’électricité. Les poteaux implantés depuis des années attendent toujours le transport d’énergie électrique. Par ailleurs, la localité ne dispose d’aucun forage, ni de point d’eau aménagé.
Enfin, les producteurs agricoles manquent de pistes pour évacuer leur production. A cela s’ajoute le manque d’encadrement agricole. Atok ne dispose pas de marché. Les producteurs écoulent leurs produits en bordure de route.
Ces difficultés constituent un réel frein à l’émancipation de cette localité aux multiples potentialités économiques.
Magloire Biwolé Ondoua
Une chefferie plus que centenaire
La chefferie d’Atok est née à la fin des années 1800.
La chefferie traditionnelle de 1er degré d’Atok existe depuis la fin des années 1800. Elle regroupe une soixantaine de chefferies de 3ème degré. Elle est limitée au nord et au sud par le fleuve Nyong, à l’Est par l’arrondissement de Messamena et à l’Ouest par l’arrondissement de Mboangz par Angossass.
L’histoire de cette institution traditionnelle retient qu’en 1884 régna l’impitoyable grand guerrier Yewoo Meneng, qui décède en 1924. Aussitôt, Effoudou Zong lui succède et règne jusqu’en 1984. Son fils Effoudou Toussaint dirige la chefferie de 1986 en 2010. Depuis décembre 2011, Sa Majesté Effoudou III règne à la chefferie traditionnelle de 1er degré d’Atok. Administrateur civil principal et actuel sous-préfet de l’arrondissement de Foumbot, il préserve jalousement les valeurs traditionnelles et culturelles des Maka Bebend.
MBO