Cameroun : Camvert rase les forêts de Campo

La décision ministérielle de déclasser 60 000 ha sur les 88 147 ha que compte l’UFA 09 025 donne lieu à 2000 hectares de forêt déjà détruits en cinq mois à campo.

Une vidéo de 30s dans laquelle opposant le Chef de 2nd degré d’Akak et le sous-préfet de Campo, en date du 4 août 2020 s’est répandue sur la toile. Dans cette séquence devenue virale sur réseaux sociaux, on aperçoit une dame, chef de village, barrer la voie à des engins transportant du bois. Malgré les menaces du sous-préfet, la dame en tenue traditionnelle ne faiblit pas. Que revendique donc cette autorité traditionnelle ?
Samedi 22 août dernier, il pleut des cordes dans la ville de Kribi, région du Sud, département de l’Océan. Impossible de circuler en véhicule. Pour se rendre dans l’arrondissement de Campo, il faut débourser 7 500 Fcfa par personne pour emprunter une moto.

2000 hectares de forêts détruites en 5 mois
6 heures, c’est le temps d’un parcours de combattant qui mène à Akak, à 90 km de Kribi. Des bruits de tronçonneuses raisonnent dans tous recoins. A quelques pas de la chefferie, se trouve le quartier général de la compagnie d’exploitation du bois du Cameroun (Boicam). «C’est elle qui exploite la forêt communautaire d’Akak», affirme Hubert Ekouma, membre du Gic Akak. Boicam est donc la société à qui, le chef d’Akak revendiquait des redevances forestières face au sous-préfet de Campo.
Les coups de tronçonneuses ne viennent pas que de la forêt communautaire. Mais, d’une partie de l’Unité Forestière d’Aménagement(UFA) 09 025 déclassée le 15 Mai 2019 pour la plantation de palmier à huile. «2000 hectares ont déjà été rasés sur les 65 000 hectares attribués à Camvert pour son projet de palmeraie à Campo et Nyeté», nous confie un ouvrier de Camvert. D’après lui, Boicam exploite à la fois les forêts communautaires et la zone d’emprise de Camvert. «Les deux sociétés travaillent ensemble. Boicam coupe le bois tandis que Camvert rase la forêt» précise-t-il. Il s’agirait de près de 10 à 15 grumiers qui sortent de la forêt avec du bois chaque jour.

Des hectares de cacaoyères inaccessibles
Ce lundi 24 août 2020, sa majesté Dieudonné Mette est en plein échange avec quelques membres du village Malaba. La problématique à l’ordre du jour : comment rentrer en possession des 55 hectares de cacao détenus dans le domaine d’exploitation de Camvert. «On parle également de 20 hectares d’avocatiers, de manioc, plantain, igname, macabo et patate», précise Joséphine Minko riveraine. Situé à 2 km de la limite avec Camvert, Malaba n’a plus accès à ses hectares de cultures. Cette localité n’est pas la seule à être proche de la zone d’exploitation. Sur les 25 chefferies que compte Campo, trois zones sont les plus touchées. Parmi lesquelles Nkoelon à 4km, Malaba 2 km et Nazareth 300m de Camvert.

La colère des populations
Du côté de Doumessamedjang, à 3 km de Malaba, les populations ne cessent de voir des sociétés d’exploitations forestières se succéder. La Forestière de Campo entre en scène de 1945 à 2004. L’année d’après, c’est la SCIEB. Celle-ci va exploiter des essences avant de laisser la place à Wijma 3 ans plus tard. «C’est chacune qui promettait la route», relate Sa Majesté Nicolas Ngane Ntoo.
Situé à 4km de Camvert, Bouandjo subit de plein fouet l’avancée de la mer. Le relief marin prédispose les hommes à la pêche. Les femmes excellent dans la culture du manioc, du plantain et de l’igname. Suite aux sept assemblées générales organisées par Camvert avec les chefs traditionnels, Joseph Sokou porte-parole de la chefferie de Bouandjo affirme n’avoir jamais vu un cahier de charges, encore moins un document administratif attribuant à Camvert l’exploitation de la forêt de Campo.
Les populations de Nazareth vivent à la fois tout près de la zone d’exploitation et de la rivière du Ntem. Elles sont devenues de simples spectatrices des mutations de leur localité. «Nous sommes qui devant l’Etat ?», conclut sa Majesté Mbili.
Une demande d’interview en date du 14 septembre dernier a cependant été adressée au ministre des Forêts et de la Faune afin d’obtenir l’avis du gouvernement en rapport avec les doléances des populations. Correspondance qui jusqu’ici n’a toujours pas eu de suite favorable.

Sonia Omboudou

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