Les populations d’Ebo à Eboti estiment n’avoir assisté à aucune rencontre avec les autorités compétentes en rapport avec l’exploitation de leur patrimoine. C’est à travers la radio qu’elles sont informées des mutations de leurs villages.
14 juillet 2020, c’est la date de publication du décret portant classement dans le domaine privé de l’Etat d’une partie de la forêt d’Ebo. En effet, le site en question est situé dans les régions du Littoral et du Centre, départements du Nkam, de la Sanaga-maritime et du Mbam-et-Inoubou, arrondissements de Yingui, de Ngambé et de Ndikinimeki. Ladite zone de forêt couvre une superficie de 130 000 hectares constituées d’une concession forestière 1111 dont deux Unité Forestière d’Aménagement (UFA) n° 07 005 et n° 07 006.
Des soulèvements se font alors ressentir par-ci par-là. Des mobilisations sont organisées à Douala, Edéa et Yaoundé pour dire non à l’exploitation de la forêt d’Ebo. Les réseaux sociaux ne sont pas en reste. La diaspora s’en mêle.
06 août 2020, c’est le décret portant retrait de celui du 14 juillet 2020. «Personne n’a pris la peine de rencontrer les communautés autochtones Banen vivants en forêt», précise sa majesté Abel Titil, Chef de Logmbo, l’un des villages du canton Ndokbiakat, groupement d’Eboti.
Au sein des deux regroupements que comptent le Canton Ndokbiakat, notamment Eboti et Logndeng. Les populations autochtones disent n’avoir pas été consultées jusqu’ici. «Nous entendons seulement qu’il y’a eu réunion à Yabassi, Douala, Edéa, Yaoundé avec les Banen. De quel Banen s’agit-il ? De ceux qui ont quitté le village depuis des lustres ? Et nous alors qui vivons en forêt ?», S’insurge sa majesté Abel Titil.
Des laissés pour compte
Les soulèvements relatifs à la gestion de la forêt d’Ebo ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, les peuples Banen sont déportés de l’intérieur de la forêt en 1963 par l’Etat pour des raisons de pacification. Néanmoins, certaines familles Banen et notamment celles du canton Ndokbayembi détiennent des droits coutumiers ancestraux et civils sur les terres de la forêt d’Ebo. Celles-ci introduisent le 03 décembre 1986 à Yabassi, chef-lieu du département du Nkam, une demande d’obtention de titre foncier sur une superficie approximative de 49 000 hectares, faisant partie intégrante de la forêt d’Ebo.
Au cours des années 1965-1966, les terres des populations sont reconnues par l’administration et enregistrées le 10 Août 1966, Folio 61 case 432 par le receveur de l’enregistrement. Ce qui confère alors aux populations Banen des droits privatifs sur la forêt d’Ebo.
S’étendant sur plus de 200 000 hectares, la forêt d’Ebo est le plus grand massif forestier intact du sud-ouest Cameroun. Le gouvernement nourrit ainsi, l’idée de création d’un parc national à partir de 2006. Un choix qui va rencontrer de multiples oppositions de la part d’une partie de la population.
D’après Zachée Bolo Baloulé, ingénieur en agroforesterie et élite de Yingui, un parc national qui exclut l’homme n’est pas adapté aux attentes des populations. Ce dernier propose une répartition équilibrée des zones habitées et celle d’utilité publique. «Il s’agit d’une préoccupation humaine d’un peuple déplacé qui ne demande qu’à rentrer», fait-il savoir dans une interview télévisée. Dès lors, 500 signatures seront obtenues contre la création d’un parc national dit «inadapté aux préoccupations locales».
Banen de la ville contre Banen de la forêt
Ce n’est qu’au mois de février dernier que les populations de Yingui affirment avoir appris qu’une UFA s’implantera sur leurs terres. «On n’a jamais été consulté. Alors qu’avec la création du parc national il y’a eu plusieurs consultations», déplore Charles Toukolin, chef Ndongbayemi 2.
Situé à 32 km de Yingui, Ndongbayemi 2, du haut de ses 4000 âmes, est l’un des rares villages du canton Ndokbiakat où le chef traditionnel est resté vivre avec sa population en forêt. «On a accepté grandir, souffrir au village et garder nos forêts. Mais les autres Banen sont en ville, leurs enfants sont à Paris et maintenant ils pensent pouvoir décider seuls de nos terres ? Non !», s’insurge une conseillère municipale de la mairie de Yingui.
La forêt d’Ebo dont le classement pourrait ressurgir, regroupe plusieurs villages du peuple Banen. Cette terre constitue la matrice principale de l’âme de ce peuple. Car, elle regorge des cimetières de leurs aïeux, les lieux sacrés ainsi que les plantations des cultures vivrières et de rentes exploitées par de nombreuses familles. Déposséder le peuple Banen de leurs terres entrainerait la disparition de leur culture.
Sonia Omboudou