Cultivé dans le septentrion pour les besoins d’ombrage, cet arbre d’origine asiatique se destine aussi à des usages thérapeutiques.
A Maroua, comme partout ailleurs dans l’Extrême-Nord et dans la région du Nord, le Neemier embellit les artères des villes, leur donnant une fière allure. Localement il est appelé «Gagné». Des témoignages recueillis, il ressort que ce ne fut pas facile de domestiquer cet arbre d’origine asiatique aux mille vertus. Quand les populations locales ont finalement réussi à le faire pousser au sahel, elles ont crié «Gagné!» en signe de victoire.
Sous les pieds de Gagné à Domayo, Djarengol, Ouro-Thédé, Kakataré, Louguéo et autres quartiers de Maroua, sont placés des canaris remplis d’eau fraiche, avec un gobelet posé dessus. Tout passant peut s’en servir librement pour se désaltérer.
Arbre d’ombrage, Gagné sert en même temps de parasol aux petits commerçants, notamment les détaillants du «zoua zoua» (carburant frelaté vendu à l’air libre dans ces localités).
Des vertues antiseptiques reconnues
Le Neemier, excellent brise-vent, préserve les habitations de la destruction par les vents violents. Utilisé comme bois de chauffe, il sert en outre à construire les maisons et hangars. Dans le domaine agricole, les feuilles de Neemier froissées et trempées dans de l’eau, sont utilisées comme fongicide et insecticide pour le traitement des plantes.
Avec un feuillage vert et bien garni le long de l’année, même pendant la longue et rude saison sèche, le Neemier s’impose comme préservatrice de la biodiversité sahélienne. Son feuillage constitue une substance médicamenteuse pour la santé humaine. La décoction de feuille est utilisée dans le traitement de plusieurs affections.
L’arbre produit des graines aux multiples vertus thérapeutiques. Connues par leur huile amère et antiseptique, les graines de Neem sont ramassées sous les pieds de Neemiers. Extraite de manière artisanale, l’huile de Neem se paie cher. Elle s’obtient par torréfaction des graines. Une activité essentiellement féminine à Maroua. Cette huile est très utilisée en médecine traditionnelle par les populations locales pour traiter les affections cutanées et abdominales. Localement, on lui confère des propriétés antibactériennes et même antivirales.
Magloire Biwolé Ondoua
« Produire les plants de Neemier est mon métier »
René Bello, producteur de Neemier à Maroua.
« L’Extrême-Nord est la région la plus peuplée du Cameroun, mais aussi la moins arborée. Pour retenir les populations dans leurs localités, il leur faut un milieu de vie favorable. Les arbres ici favorisent cette stabilité. Voilà pourquoi j’ai mis sur pied depuis près de 10 ans une pépinière de Neemiers. Cet arbre s’adapte bien à notre climat.
Chaque année, je produis 30.000 à 40.000 plants de Neemiers. Ces plants sont mis en pépinière en décembre et transplantés dès le mois de juillet.
Ils servent au reboisement et à la construction des espaces verts dans les établissements scolaires.
Pour conserver la biodiversité, il faut cultiver le Neemier, qui se trouve être en même temps un abri et un médicament pour les populations du septentrion.»
« Je vends le litre d’huile de Neem à 10 000 FCFA »
Aïssatou Koulmouni, Productrice d’huile de Neem au quartier Kakataré à Maroua.
« J’ai commencé l’extraction d’huile de Neem il y a plus de trente ans. Cette huile m’a tout donné. Voilà mon fils sur la photo, il travaille aujourd’hui à Yaoundé. C’est l’argent gagné grâce à l’huile de Gagné qui m’a permis de payer ses études. J’ai même construit une maison avec les revenus de cette huile.
Malgré les contraintes de l’activité, l’extraction d’huile de Neem intéresse de plus en plus de personnes. Mais ce qui fait ma force, c’est la qualité de mon huile. Mes clients viennent de Douala, Yaoundé, Ngaoundéré et Bamenda et paient en litre.
Je vends le litre à 10.000 FCFA, voire 15.000 FCFA en temps de pénurie. Pour les moins nantis, les prix sont fixés en fonction de la mesure.»
Propos recueillis par
Magloire Biwolé Ondoua