Cameroun : Filière pomme de terre – Des serres de fabrication locale pour produire la semence

Avec l’appui financier de la Coopération allemande à travers le Projet Centres d’Innovations vertes pour le Secteur Agro-alimentaire (ProCISA) et l’accompagnement technique du Centre International de la Pomme de terre et Patate douce (CIP) au Cameroun, des semenciers fabriquent leurs propres serres en utilisant des matériaux locaux moins chers, pour produire les semences de pomme de terre.

Equipement incontournable dans le processus de production des semences de pomme de terre de première génération et de qualité, la serre n’est pas à la portée des agriculteurs moyens.

Ayant pris part à un voyage d’échanges organisé par le ProCISA au Kenya en février 2022 avec comme focus la production des semences sous serres, et en Inde en septembre 2022 avec comme focus la production des boutures apicales, Norbert Kenfack a appris qu’il était possible de construire soi-même une serre avec des moyens modestes. A son retour du voyage, il a entrepris la construction d’une serre en matériaux locaux tel que vue au Kenya. «Notre serre construite en matériaux locaux est fonctionnelle depuis plusieurs mois. Elle nous a coûté environ un million de francs CFA et nous sommes pour l’instant très satisfaits de sa performance» confie-t-il.

Tous les producteurs semenciers formés dans le cadre du partenariat CIP-ProCISA rêvent de multiplier leurs capacités de production sous serre.

Selon Pierre Kitio Signing, autre producteur dans la Menoua : « La serre est un dispositif irremplaçable dans la production semencière. A l’intérieur de la serre peut être développée une nouvelle technique d’obtention des semences de première génération en un temps assez court. Il s’agit de la technologie des Boutures Apicales Racinées qui a révolutionné la production des semences de pomme de terre.»

Matériel végétal rapide

« La serre permet d’obtenir des semences de base de très bonne qualité en un temps record. Les boutures apicales sont obtenues en trois semaines et donnent des plants de pomme de terre prêts à la mise en champ » explique Dr Honoré Mafouo, Agronome et point focal de la GIZ à la Délégation Régionale de l’Agriculture et du Développement Rural de l’Ouest (DRADER Ouest).

En plus des avantages techniques de la production semencière sous serre, il y a d’importants avantages économiques. « Au lieu d’acheter la semence de base de pomme de terre à 1200 FCFA le mini tubercule chez les investisseurs privés, les coopératives peuvent produire elles-mêmes leurs mini tubercules à moins de 500 FCFA/mini tubercule et être sûres de la qualité » confie Dr Honoré Mafouo.

En développant des serres locales, les coopérateurs accompagnés par le ProCISA se préparent déjà à assurer la continuité de leur activité de production de matériel végétal en qualité et en quantité pour une filière pomme de terre plus forte et à terme indépendante des importations des semences.

Marie Pauline Voufo

 

Les serres importées sont chères
Cédric AWAMBA, Conseiller Technique Génie Civil, GIZ-ProCISA.

Quels sont les avantages comparatifs entre serres locales et importées ?

Les serres importées sont préfabriquées et chères du fait des frais d’achat, de transport et de douane. Leur montage demande une technicité rare. Les serres en matériaux locaux sont moins chères et la main d’œuvre locale pour les construire est facile à trouver.

Quels types de matériaux locaux peuvent entrer dans la construction des serres ?

Les matériaux locaux ici désignent ces matériaux qui sont disponibles sur place dans les différents marchés camerounais, sans avoir besoin d’une importation quelconque. Ce sont : le gravier, le sable, le ciment, les moellons, les fers à béton, les tubes en acier, les bois durs pour les tables de culture des vitro-plants, les cornières, platines et bien d’autres petits matériaux. La moustiquaire est utilisée dans une certaine mesure en remplacement de la toile qui ne se retrouve pas facilement sur le marché camerounais.
Pour les premières serres construites, le CIP a appuyé les acteurs avec les toiles. Un grand pas reste encore à faire pour rendre ces toiles disponibles. C’est pour cette raison que le ProCISA et le CIP sont en train de dresser une liste des fournisseurs des toiles qui sera mise à la disposition des acteurs de la filière pomme de terre.

 

 

Utiliser le bois à la place du fer
                                          Norbert Kenfack, Coop-Ca PROPOTEM, Djuttitsa.

« Pour fabriquer notre serre locale, nous avons utilisé des chevrons à la place des barres métalliques à l’implantation, et des lattes pour les nervures. La fondation est faite en pierres disponibles dans la carrière du village à Djuttitsa. Les chevrons sont désinfectés avant d’être mis en sol pour freiner l’action des termites et la pourriture. A la place de la toile importée qui coûte assez cher, nous avons adapté des moustiquaires. Nous veillons à ce que l’ossature de la bâtisse soit assez haute, à près de cinq mètres, pour faciliter la circulation de l’air à l’intérieur de la serre. »

 

                                        Ça produit les boutures et les mini tubercules
Dr Honoré Mafouo, agronome, point focal de la GIZ à la DRADER Ouest.

« La serre permet d’obtenir deux types de matériel végétal : les Boutures Apicales Racinées en trois semaines et les mini tubercules de pomme de terre en quatre mois. Ce sont des semences de base d’excellente qualité qui sont ensuite multipliées trois fois pour donner la semence certifiée.

Les semenciers se ravitaillent en vitro-plants auprès du laboratoire de l’IRAD de Bambui au Nord-Ouest. C’est intéressant de savoir que les producteurs locaux savent déjà manipuler ce type de matériel végétal dans leurs propres serres. »

 

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