Après les premières pluies enregistrées en fin mai, la campagne agricole 2020 en zone sahélienne a démarré sur fond de vulnérabilité des producteurs. Ils s’estiment délaissés au bénéfice de la lutte contre le Coronavirus.
En attendant le lancement officiel de la campagne agricole 2020 par les autorités en charge de l’agriculture, les producteurs du septentrion sont déjà au champ. Les premières pluies les y ont invités en fin mai 2020. Comme à l’accoutumée, il faut se grouiller pour ne perdre aucune goutte. Le sahel n’est pas la zone la plus gâtée en pluies.
« La campagne de cette année ne se fait pas dans des conditions idoines. Nos récoltes de l’année dernière ont été bradées. Actuellement, nous n’avons pas assez de moyens pour acquérir les intrants et nous n’entrevoyons aucun soutien. La lutte contre la pandémie du Covid-19 est devenue la seule priorité des autorités.» Par ces mots, Siddi Mana, exploitant agricole à Koutouloum dans l’Extrême-Nord, décrit la précarité avec laquelle il s’apprête à s’engager dans ses activités de production du sorgho.
Son cri est partagé par une bonne frange des producteurs de cette région fortement ébranlée par les conséquences économiques de la crise du Coronavirus qui frappe le monde depuis novembre 2019 et le Cameroun depuis mars 2020.
Réduction des parcelles
«Habituellement, après écoulement de mes récoltes, je dégage de quoi m’acheter des intrants pour la prochaine campagne, louer l’attelage et assurer la main d’œuvre nécessaire à l’exploitation de ma parcelle. Mais, cette année j’ai livré à crédit. Je me retrouve avec seulement 20% des fonds nécessaires à mes activités» explique Simon Aliou, producteur d’oignons et de sorgho dans la localité de Katoual. Vu ses limites, Simon a décidé de mettre en valeur la moitié de sa parcelle de un hectare qu’il cultive habituellement. Cette année, il exploitera seulement un demi-hectare.
Quant à Aminou Bouba, il a encore du mal à se décider. Malgré ses années d’expérience d’exploitant agricole, le sexagénaire rencontré auprès des vendeurs d’intrants agricoles au marché abattoir de Maroua, envisageait la piste d’un emprunt, mais s’est heurté à des refus. «Les gens que j’approche m’expliquent qu’ils vivent la même situation que moi. Les établissements de micro-finance vers lesquelles je me suis tourné m’exigent des conditions que je ne peux remplir. Entre temps, les premières pluies sont tombées et le calendrier cultural ne m’attendra pas», déplore-t-il.
Il ne lui reste plus qu’à miser sur sa fidélité à Yaouba, son vendeur d’intrants de longue date pour obtenir un prêt en nature en termes de sacs d’engrais et de produits phytosanitaires. Sur ce fait, Yaouba affirme: «Nous sommes obligés d’être sensibles aux difficultés des producteurs. Leurs difficultés nous impactent. La période des semis comme celle-ci est censée être la saison de bonnes affaires pour nous commerçants d’intrants. Mais j’enregistre plutôt un recul de mon chiffre d’affaires chaque jour. Nous sommes tenus d’aider nos clients agriculteurs à se relever pour relever aussi notre activité.»
Problème d’intrants
Une autre gageure est de pouvoir tomber sur de bons intrants agricoles. Les producteurs sont parfois la proie de commerçants véreux qui exploitent leur vulnérabilité pour leur vendre des produits de mauvaise qualité à des prix supposés accessibles.
Certains de ces intrants frelatés ou non homologués proviennent du Nigéria voisin par voie de commerce illicite, et n’ayant subi aucun contrôle.
Malgré le discours rassurant des autorités locales de l’agriculture qui prévoit une campagne agricole réussie dans l’Extrême-Nord, la précarité à laquelle se confrontent les producteurs dément cette prédiction.
Abbo Mohamadou
c’est vraiment une situation déplorable. ce qu’ils peuvent faire c’est de mobliliser ensemble les moyens pour avoir accès aux intrants ,malgré le fait d’avoir réduit les superficies