Cameroun : Irrégularités dans le processus de conversion des forêts

Les procédures de classement des 60 000 hectares de l’UFA 09 025 donnent lieu à de nombreuses illégalités.

Selon l’article 22 du Décret N° 95/531/PM du 23 août 1995, deux conditions doivent être remplies pour déclasser une forêt domaniale : une déclaration d’utilité publique et la présentation d’une étude d’impact sur l’environnement réalisée par le demandeur dont les conclusions sont favorables au défrichement.
De plus, le déclassement d’une forêt du domaine permanent implique à la fois son retrait du domaine privé de l’Etat et son affectation à un autre usage que la forêt. La désaffectation elle, implique un changement d’affectation des terres.
A la lecture de cette disposition on est tenté de savoir si le décret du Premier Ministre déclasse ou désaffecte l’UFA 09 025.
D’après Green Development advocates (GDA), le Décret N°2019/4562 du Premier Ministre reste ambigu. Ceci, dans la mesure où il annonce le déclassement d’une parcelle de forêt relevant du domaine privé de l’Etat. Or, son article 1 dispose qu’«est déclassée, à compter de la date de signature du présent décret, pour être affectée à la production agricole…». La note juridique rédigée à cet effet par GDA décèle alors, une confusion entre deux opérations : le déclassement qui implique ici, le passage du domaine privé de l’Etat au domaine national, et l’affectation qui est juste un changement du mode d’utilisation des terres.

Entraves aux besoins des populations locales
Les dispositions de l’article 9 du Décret N° 95/531/PM du 23 août 1995 fait apparaitre des anomalies susceptibles d’entraver les droits collectifs des populations locales (Bantu) et autochtones (Bagyeli) riveraines de l’UFA 09 025.
D’après l’article «le déclassement ne peut intervenir que lorsque le défrichement est de nature à porter atteinte à la satisfaction des besoins des populations locales en produits forestiers, compromettre la survie des populations riveraines dont le mode de vie est lié à la forêt concernée, compromettre les équilibres écologiques».
De manière évidente, la conversion des terres, forestières du massif UFA 09 025 en terres destinée désormais à la monoculture de palmier à huile, porte atteinte à la fois aux besoins des acteurs riverains en produits forestiers non-ligneux (alimentation, médicinale et esthétique), en terres agricoles tout en déformant l’équilibre socio-écologique de la zone.

Violation des droits des peuples autochtones
L’exploitation querellée des forêts viole non seulement les dispositions de la constitution de la
République du Cameroun, mais aussi les articles 8 et 32 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones adoptés le 13 septembre 2007.
La Constitution de la République du Cameroun, en son préambule, paragraphe 6 précise que «L’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi- …».
La Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones en son Article 8 : condamne «tout acte ayant pour but de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources». Son Article 32 insiste sur le fait que «les Etats consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d’obtenir leur consentement avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources». Ce qui n’a toujours pas été le cas jusqu’ici.

Sonia Omboudou

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