Cameroun : L’aviculture villageoise se développe avec l’usage des couveuses

L’élevage du poulet villageois au Cameroun bénéficie des appuis de la Coopération allemande à travers le projet Centres d’Innovations Vertes pour le Secteur Agroalimentaire (GIZ-ProCISA) sur toute la chaîne de production à l’Ouest et dans l’Adamaoua. La promotion des incubateurs de fabrication locale pour éclore les œufs permet aux éleveurs d’avoir désormais des poussins en tout temps.

Dans son atelier au quartier Tocket à Bafoussam, dans la région de l’Ouest, le jeune Gilles Tchinda Tahboh, conseiller agropastoral diplômé du Centre de formation zootechnique de Jakiri au Nord-Ouest depuis 2016, éleveur de poules du village et artisan, expose des modèles d’incubateurs (couveuses) fabriqués par ses soins. « Je dispose actuellement de trois incubateurs fonctionnels, dont deux ont une capacité de 700 œufs à couver et l’autre de 400 œufs », déclare-t-il. Les trois machines sont de vieux frigidaires recyclés.
Son confrère Nkengbeza Macillinus Nkemchap à Foréké Dschang, utilise aussi un ancien frigo transformé en incubateur par un artisan local. Cet éleveur de poulet villageois, anciennement établi à Fontem, son village dans le Sud-Ouest, affirme avoir reçu depuis deux ans un appui en poussins du Projet Centres d’Innovations Vertes pour le Secteur Agro-alimentaire (ProCISA) en faveur des personnes déplacées internes, pour redémarrer l’aviculture traditionnelle qu’il pratiquait dans son village avant son déplacement en 2018. Ses poules ont grandi et il a acquis auprès d’un artisan un incubateur local d’une capacité de 350 œufs à couver. « Ça fonctionne bien », confirme-t-il.
Aïssatou Garba de Marza à Ngaoundéré dans l’Adamaoua, est aussi familière des incubateurs locaux. Celui qu’elle exploite depuis deux ans est un appui de la Coopération allemande à travers ProCISA, d’une capacité de 400 œufs à couver. Elle y fait éclore les œufs de sa ferme et ceux des clients à raison de 100 FCFA l’œuf à couver pour les membres de la coopérative et 150 FCFA pour les non-membres. « J’aime cet appareil, il consomme peu d’énergie. Je paie seulement 2500 FCFA de facture d’électricité par mois », confie Mme Garba.

150 FCFA l’œuf à couver

Les prototypes d’incubateurs locaux fabriqués par Gilles Tchinda Tahboh sont électriques, et peuvent être alimentés à l’énergie solaire. Cet artisan est à l’affût de toutes les connaissances pour développer son cœur de métier. « J’élève les poules pantalonnées depuis plusieurs années. Je me suis rendu compte qu’elles ne couvent pas bien leurs œufs. En 2018, je faisais éclore les œufs chez un éleveur à 150 FCFA l’unité. C’était cher et je tournais à perte. J’ai décidé de me documenter sur internet pour comprendre le principe de fonctionnement et de fabrication des couveuses » dit-il.
Dans ses tâtonnements, le jeune Tchinda Tahboh a fait la connaissance de GIZ qui a renforcé ses capacités techniques et managériales à travers plusieurs formations. Il affirme : « J’étais un bon producteur, mais pas un bon manager. Grâce au coaching de GIZ-ProCISA, je parle aujourd’hui de mon entreprise TURIN 21 avec des chiffres. » Selon ses calculs, plus d’une cinquantaine de couveuses ont déjà été vendues et font la satisfaction des clients.
Les modèles ont évolué avec le temps. Le thermostat, la ventilation et même la double ventilation ont été intégrés, faisant augmenter le taux d’éclosion de 60% à plus de 90%.
Le jeune artisan affirme construire un incubateur en une semaine. Les prototypes vont de 100 œufs à couver à 1300 œufs et sont vendus entre 120.000 FCFA et 500.000 FCFA. Les modèles les plus demandés sont ceux de 400 œufs et de 700 œufs vendus à Tocket respectivement à 290.000 FCFA et 350.000 FCFA avec un an de garantie.
D’après ce fabricant, la durée de vie d’un incubateur local est de quatre ans en moyenne, après quoi il faut renouveler le matériel de construction à l’intérieur. Mais bien exploité, précise-t-il, un incubateur local peut être rentabilisé au terme de la première année d’utilisation.

Incubateur de 27 000 œufs

Dynamique, Gilles Tchinda Tahboh est fier d’être devenu un référent de GIZ pour le poulet villageois à l’Ouest. Pour promouvoir davantage cette filière, il projette de construire un incubateur de 27.000 œufs à couver pour les besoins de son entreprise.
« Je reçois beaucoup d’étrangers d’Afrique de l’Ouest en visite d’étude et j’encadre des étudiants de la Faculté d’agronomie et des sciences agricoles de Dschang, ainsi que ceux de plusieurs centres de formation agropastorale au Cameroun. Beaucoup sont émerveillés par les performances du poulet villageois. Je déplore qu’on n’enseigne pas l’aviculture traditionnelle dans nos écoles de formation », regrette le promoteur de TURIN 21.
Il entend contribuer par son expertise et son engagement à la vulgarisation de l’élevage du poulet villageois comme source de revenus pour les éleveurs et comme aliment de qualité pour les consommateurs comme lui, qui ont une santé fragile.

Marie Pauline Voufo

 

96% de taux d’éclosion d’œufs dans l’incubateur local
Aïssatou Garba, éleveur et formatrice en aviculture villageoise à Marza, Ngaoundéré.

Quels sont d’après vous les atouts de l’incubateur local ?

L’avantage de l’incubateur local est qu’il n’est pas compliqué à utiliser. L’artisan qui le fournit est joignable et est prêt à intervenir en cas de panne. Jusqu’à présent, la seule panne que j’ai eue depuis deux ans, c’est quand l’ampoule à l’intérieur s’est grillée, je l’ai aussitôt remplacée.

Votre incubateur a quelle capacité ?

Mon incubateur couve 400 œufs à la fois. Je couve les œufs des clients à 150 FCFA l’un, payés à l’avance. Les clients membres de notre coopérative sont avantagés, je leur offre ce service à 100 FCFA par œuf. Mais, j’exige à chacun de se préparer pour acquérir sa propre couveuse. Généralement après 6 à 7 mois, je ne couve plus les œufs des mêmes membres. Cette mesure a permis déjà à 4 membres d’acheter leurs incubateurs auprès des artisans locaux.

Pouvez-vous donner quelques techniques pour réussir la couvaison des œufs ?

Il y a plusieurs astuces sur lesquelles j’insiste quand les clients m’apportent les œufs à couver.
La première chose à savoir est que l’œuf fécondé est un organe vivant qui respire. Pour transporter les œufs, il est conseillé d’utiliser des alvéoles en plastique, elles ont des trous au fond qui permettent à l’œuf de respirer. Les alvéoles en carton n’offrent pas ce confort aux œufs et peuvent même étouffer le germe dans l’œuf. Il est déconseillé de superposer plus de 4 rangées d’œufs fécondés.
La deuxième astuce est la manière de poser l’œuf dans l’alvéole. De forme ovale, l’œuf a un une grosse tête et une base effilée. L’œuf doit être posé dans l’alvéole tel que le gros bout soit en haut et le petit bout en bas.
Troisièmement, après avoir voyagé ou déplacé les œufs fécondés sur une longue distance, il faut les laisser reposer pendant au moins 24 heures avant de les mettre dans l’incubateur. Car pendant le déplacement, les œufs bougent, le blanc et le jaune d’œuf peuvent se mélanger. Le temps de repos permet à chaque élément de se remettre en place avant que l’œuf soit mis en couveuse.
Je conseille de mettre les œufs dans l’incubateur au trop 7 jours après la ponte. J’ai remarqué que quand les clients gardent leurs œufs pendant plus de 10 à 15 jours avant de les apporter pour la couvaison, il y a beaucoup d’échecs d’éclosion.

Le taux d’éclosion d’œufs dans votre couveuse locale est de combien ?

Le pourcentage d’éclosion des œufs de certains clients est de 80% à 85%. Cela s’explique parce qu’ils ne respectent pas toujours les astuces de conservation. Avec mes propres œufs, j’obtiens souvent 96% de taux d’éclosion. Généralement chez moi, ce sont les œufs non fécondés qui n’éclosent pas. Et cela n’est pas une défaillance de l’appareil.
Dans l’incubateur, les œufs sont tournés deux fois par jour à 180°. Cette opération empêche que l’embryon se colle sur les parois de la coquille. Après 21 jours automatiquement, l’œuf de poule éclot un poussin.

Quels sont vos produits ?

A travers le projet ProCISA, je forme d’autres aviculteurs. Récemment en cette année 2023, j’ai formé 75 éleveurs de poulet villageois dans l’Adamaoua. Après leur formation, ils se sont ravitaillés chez moi en poussins. Je suis fournisseur de poussins du village que je vends préchauffés pendant un mois à 2500 FCFA l’un.

 

 

Cet appareil me donne entière satisfaction
Nkengbeza Macillinus Nkemchap, éleveur à Foréké Dschang.

« Avec mes 30 poules, j’ai en moyenne 20 œufs fécondés par jour. Je les fais éclore dans mon incubateur et je vends les poussins. Cet appareil me donne entière satisfaction. Le taux d’éclosion avoisine les 90%.
Les échecs d’éclosion sont dus souvent aux œufs non fécondés ou aux poussins morts étouffés dans la coque. J’ai observé que l’étouffement des poussins arrive quand l’appareil n’est pas alimenté en énergie, à cause des longues coupures d’électricité.
Le fabricant a prévu l’alimentation par le système solaire, mais pendant certaines périodes froides à Dschang, il n’y a pas assez de soleil et la batterie ne recharge pas. C’est le seul souci que je rencontre dans l’utilisation de cet incubateur. »

 

 

                                                                                                                           Le poussin du village d’un jour coûte 800 FCFA

Gilles Tchinda Tahboh, artisan et formateur en aviculture villageoise, Bafoussam.

«Je vends le poussin pantalonné d’un jour à 800 FCFA. J’ai d’autres espèces comme le poulet Goliath et l’Indien géant qui me permet d’améliorer les performances des races locales. Leur poussin est vendu à 1300 FCFA.
Grâce aux incubateurs locaux, la disponibilité des poussins villageois n’est plus un défi insurmontable. L’incubateur est comme une grande poule couveuse artificielle qui permet d’éclore plusieurs centaines d’œufs à la fois. Je fais éclore les œufs des clients à 100 FCFA l’unité. Mais je les encourage à acquérir leur propre incubateur, surtout ceux qui ont déjà un cheptel de 30 mères poules. Certains m’apportent leur vieux frigo que je recycle en couveuse et ça leur revient moins cher. Jusqu’à présent, aucune plainte enregistrée. »

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