Le village Aboé dans l’arrondissement d’Akonolinga, longé par le fleuve Nyong à 120 km de Yaoundé, abrite une colonie d’éleveurs qui, bravant le vieux préjugé sur l’impossible élevage bovin en forêt, conduisent avec succès l’engraissement des veaux.
Le site d’élevage est pittoresque. C’est une étendue de terre ferme telle une presqu’île dressée sur le lit du Nyong. Ce fleuve partant d’Ayos, forme un arc de cercle qui se transforme en une espèce de lac au niveau du village Aboé avant de poursuivre sa descente vers Akonolinga.
En saison sèche, pendant que se rétrécit le lit du fleuve, le site s’assèche pour laisser place à des hectares de terre où se développe une savane verdoyante. Cette savane saisonnière c’est du pain bénit pour les éleveurs nomades en quête de pâturage pendant la sécheresse.
« De janvier à avril, l’herbe est rare partout au Cameroun. C’est ainsi que depuis quelques années, nous amenons nos bœufs à Aboé pendant la saison sèche, pour y brouter de l’herbe fraîche dans un espace protégé » déclare Souleymanou Mohamadou, Secrétaire général (SG) du Syndicat national des commerçants de bétails et activités connexes du Cameroun (SYNCBACC), par ailleurs SG de la coopérative Babou Salam qui regroupe de petits éleveurs de bovins dans la région du Centre.
Le lit du fleuve Nyong est idéal pour faire l’activité d’engraissement des bovins. Le pâturage y est disponible. Les bergers ne redoutent pas d’être attaqués comme c’est malheureusement le cas dans certaines zones sensibles à l’Est au Nord du pays.
On traverse le cours d’eau à la nage pour accéder à l’espace d’élevage sur le Nyong. « Heureusement que les bœufs savent nager » relève Amadou Djallo, éleveur et responsable du Comité de surveillance de la coopérative Babou Salam.
Pâturage disponible
En 2023, Aboé a accueilli sept troupeaux de veaux en engraissement appartenant aux membres de Babou Salam. « Nous élevons toutes les races de bovins que nous trouvons sur le marché. Mais les plus fréquentes sont le Goudali, le Kouri et l’Ambala. Quatre mois suffisent pour qu’un veau en santé qui consomme de la bonne herbe et du sel gagne plus d’une fois et demie son poids initial » confie Amadou Djallo.
« Nous achetons des veaux de 4 ans ainsi que des bœufs chétifs qui pèsent en moyenne 150 kg. Après 3 à 4 mois d’engraissement, ils peuvent retrouver un poids de 250 voire 300 kg. C’est alors que nous les vendons plus cher sur le marché à bétail de Yaoundé» confie Souleymanou Mohamadou.
Mais Babou Salam ne peut rester à Aboé que 4 mois par an, de janvier à avril. Dès le mois de mai commence la crue. Avec l’arrivée des fortes pluies, le lit du fleuve Nyong s’agrandit pour couvrir progressivement la verdure, rendant impossible l’activité d’élevage. Les bergers sont obligés d’éconduire leurs troupeaux vers les localités environnantes où ils ne sont pas toujours bien accueillis par les agriculteurs locaux qui craignent pour leurs cultures.
Babou Salam plaide pour que l’Etat crée des espaces d’élevage dans diverses localités environnantes pour permettre aux éleveurs de bovins de se déployer en zone forestière en respect de la réglementation et des mesures de biosécurité.
Marie Pauline Voufo