Cameroun : « Le Cameroun doit investir pour avoir son indépendance avicole »

Léopold Kamga, aviculteur, président de l’Inter profession avicole (IPAVIC) Ouest et Nord-Ouest. « Il faut des investissements de souveraineté pour produire les parentaux. Ça coûte cher, mais ça rapporte à long terme à l’Etat. »

Le marché du poulet camerounais traverse une période de pénurie qui fait jaser les consommateurs. Quelle en est la cause?

Effectivement, les poulets sont rares sur le marché camerounais actuellement. La cause principale, et même l’unique, est le manque de poussins d’un jour. C’est la dure réalité.
Les causes remontent à 2016 quand la grippe aviaire a frappé l’aviculture camerounaise en décimant près de 50% de son cheptel y compris les fermes de parentaux. Le secteur peinait, mais tant bien que mal, on se battait à importer les œufs à couver et les poussins de l’Europe pour combler le déficit.
Hélas, l’année dernière, en début 2020, la pandémie du Covid-19 a imposé la fermeture des frontières des pays, avec une réduction des vols commerciaux par lesquels se faisait le transport des poussins.
Mais, le pire est la récente vague de grippe aviaire qui a sévi en fin 2020 en Europe dans les pays partenaires du Cameroun. Par mesure de biosécurité dès qu’une telle épizootie se signale quelque part, toute la zone est isolée et fermée aux transactions de produits animaux. C’est ainsi que nous avons été coupés du jour au lendemain des pays qui nous approvisionnaient en intrants aviaires tels la Belgique, la Hollande et la France.

Au vu de la situation ambiante, le MINEPIA s’est replié sur la piste du Brésil en signant une lettre pour autoriser les importations d’intrants aviaires de ce pays. Comment voyez-vous la pertinence de cette option?

Quand cette lettre du ministre de l’élevage a paru dans les réseaux sociaux, nous nous sommes réunis pour en prendre connaissance. Puis, nous avons écrit une lettre à partir de l’Ouest qui est le plus gros bassin de production avicole au Cameroun, pour avoir plus d’amples explications. La lettre a été envoyée au MINEPIA via le gouverneur de la région de l’Ouest.
Le ministre a expliqué que pour lui, autoriser les importations du Brésil c’est multiplier les sources de partenariat dans le domaine avicole, afin d’éviter les ruptures d’approvisionnement en matières premières avicoles au Cameroun. Si cela est vrai, c’est une raison bien fondée.
Mais le risque peut être que le Brésil, étant un géant en matière avicole, saisisse cette perche pour imposer son rythme au marché camerounais. Si ces importations ne sont pas contrôlées, il y a fort à craindre que le Brésil en profite pour imposer son hégémonie sur le secteur avicole camerounais. Il peut même éteindre le marché camerounais. Sur ce point, il faut faire très attention et rester vigilant.

Quelle est la meilleure solution possible pour sortir de cette pénurie de manière durable au Cameroun?

La solution durable contre la pénurie des poussins d’un jour existe et est réalisable. Il faut prendre des mesures pour ne plus être dépendants de l’extérieur. Cela est possible. Très possible même. Il faut mettre en place le dispositif pour produire ce que nous achetons ailleurs. Pour le moment, les accouveurs achètent à l’extérieur les œufs à couver et les parentaux qui sont les produits des parents et des grands-parents. Le Cameroun peut décider de mettre en place des fermes de grands-parents.
Il ne s’agit pas de demander à un éleveur de le faire. Ça demande de gros investissements. C’est généralement des investissements de souveraineté. Ça coûte cher certes, mais ça rapporte aussi beaucoup d’argent dans le temps aux Etats qui les mettent en place.
Si notre pays prend le courage de faire de tels investissements, il ne le regrettera pas. Il peut assurer sa propre indépendance et rendre toute l’Afrique Centrale indépendante par rapport aux œufs à couver et aux poussins d’un jour.

Propos recueillis par
Marie Pauline Voufo

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