Le gouvernement camerounais a pris fait et cause pour l’importation et non la production du riz pour nourrir ses populations.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, 803.505 tonnes de riz importées au Cameroun en 2019. Un chiffre qui dans l’absolu peut ne rien exprimer, mais pour bien comprendre son poids, il faut se référer aux dernières statistiques d’importations, et plus encore à la note du Ministre du commerce signée le 6 juin 2020.
Parmi les 10 importateurs cités par le Mincommerce, les 3 premiers ont importé à eux seuls 580.634 tonnes de riz l’année dernière. A savoir: Société SONAM Cameroun, 226.816 tonnes; Société OLAM CAM SA, 178.690 tonnes, et AGRIEX Cameroon Sarl, 157.128 tonnes. Soit plus que les besoins nationaux annuels estimés à près de 577.000 tonnes.
Paddy export
En 2018, la Société d’expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (Semry), se donnait pour objectif de produire près du tiers des besoins nationaux de riz, grâce aux importantes subventions de l’Etat. En 2020, la même société est devenue exportatrice nette de riz non décortiqué vers le Nigéria. En file indienne, des camions chargés à partir de Maga et Yagoua vont impunément livrer leurs cargaisons de paddy chez les voisins au vu et au su de tous. A des prix plus intéressants qu’au Cameroun, apprend-on. Pendant ce temps, une méga décortiqueuse acquise à des dizaines de millions de francs aux frais de l’Etat moisit à la Semry.
Que faut-il comprendre? Le riz local est-il maudit?
L’autre site majeur de production du riz camerounais à Ndop dans le Nord-Ouest est aujourd’hui sinistré par la crise sociale qui touche la région.
Agropoles riz dans les Bamboutos a fait long feu. L’initiative gouvernementale de faire produire du riz dans ce département traditionnellement acquis au maïs, à la pomme de terre et au haricot, a périclité en 2018, moins de deux ans après sa mise en route. Les plus téméraires sur le terrain se battent encore pour conserver la semence, en espérant un jour faire renaître l’activité.
La riziculture pluviale pratiquée çà et là reste artisanale et paysanne. Notamment dans la Haute Sanaga (Bandjock), dans le Ndé (Tonga) et dans le Noun (Foumbot).
Actuellement, on ne parle plus du riz chinois de Nanga Eboko. Un riz fantôme, jamais aperçu sur le marché local près de dix ans après le début de sa culture.
Importations exonérées
Dans un tel contexte où le riz local est sacrifié, comment les importations n’exploseraient-elles pas?
Ceux qui se lamentent pour le made in Cameroun, ont encore eu l’occasion supplémentaire de le faire suite à la lettre du Ministre des finances rendue publique le 5 juin 2020. Le Minfi a décidé que suite aux très hautes directives du Président de la République, le Cameroun va procéder à «la constitution d’un stock de sécurité de 200.000 tonnes de riz en exonération totale des droits et taxes de douane à l’importation, à l’effet de couvrir les besoins du marché national pour le reste de l’année 2020».
En langage camerounais, on dira cette fois ci pour ce qui est du riz local, que ‘‘ça a cuit’’.
Marie Pauline Voufo