Produire les denrées agricoles en quantité avec les moyens naturels n’est plus un tabou. Plusieurs agriculteurs camerounais sont en pleine transition vers l’agroécologie. Ils se sont retrouvés en janvier 2022, pour échanger sur leurs expériences et opportunités.
Le thème de la rencontre d’échanges organisée le 28 janvier 2022 à Yaoundé par le Service d’Appui aux Initiatives Locales de Développement (SAILD) s’intitulait: «Comment bien produire et gagner dans l’agriculture naturelle».L’agriculture naturelle au Cameroun englobe tous les processus de production agricole durable, sans l’usage de produits chimiques de synthèse. Elle fait référence à l’usage d’éléments uniquement naturels pour booster la production agricole afin de préserver le sol et l’environnement, la santé du producteur et du consommateur.
Selon les appellations, pour désigner la production agricole naturelle, on parle d’agroécologie, d’éco-agriculture, d’agriculture écologique, biologique, verte ou propre.
Praticiens de l’agriculture durable
Près de 100 personnes ont pris part à la journée d’échanges de Yaoundé meublée par des exposés d’experts et des praticiens de l’agriculture durable. La majeure partie du temps était consacrée au partage d’expériences sur la production et la transformation des produits issus de cette agriculture.
Le marché n’étant pas encore formalisé pour la vente des produits issus de l’agroécologie, chaque producteur affirme rechercher et entretenir son réseau de commercialisation sur la base de ses relations et de la confiance de ses clients.
« Je suis producteur de pommes de terre naturelles dans le Ndé, précisément à Tonga à l’Ouest du Cameroun. Quand j’ai entendu parler de cette journée d’échanges sur l’agriculture naturelle à Yaoundé, j’ai aussitôt fait le déplacement pour en savoir davantage, et rencontrer d’autres producteurs qui sont dans le même créneau que moi. Je suis satisfait. Ce que j’ai appris ce jour me réconforte sur le choix du naturel,» déclare Jiress Yomba Njokep.
Agronome de formation, bien qu’ayant reçu une formation en agriculture conventionnelle, ce jeune n’a pas hésité à aiguiser sa curiosité sur les vertus et les opportunités de l’agriculture durable. Depuis deux ans, il a décidé de se lancer dans la production agricole qu’il estime biologique. N’étant pas encore certifié bio, il présente ses produits comme étant naturels. «Je produis sans intrants chimiques. J’ai fait une campagne de pommes de terre sur 0,5 hectare avec beaucoup de succès. J’ai fait l’équivalent de 15 tonnes à l’hectare à la récolte. L’agriculture conventionnelle ferait 19 tonnes. C’est une prouesse pour moi» se réjouit cet agriculteur de Tonga.
Il a découvert avec émerveillement que plusieurs devanciers opèrent en agriculture naturelle dans la région du Centre, avec des résultats tout aussi encourageants.
Jus de citron diététique
Emmanuel Cyrille Koul à Kesseng dans le Mbam et Inoubou, témoigne avoir jeté son dévolu sur la production naturelle des agrumes, notamment du citron, qu’il transforme en jus pour la consommation diététique. Il brandit fièrement des flacons de son produit et l’assistance en arrache séance tenante en suivant son exposé sur les vertus de ce produit naturel. «Je produis du concentré de jus de citron naturel, une boisson thérapeutique consommée dans de l’eau tiède pour le bien-être et la santé» déclare Monsieur Nkoul à Kesseng, retraité converti à l’agriculture durable. «Beaucoup pensent qu’on ne peut pas produire des agrumes sans traitement chimique. Nous sommes là pour le démentir. Le premier combat dans le verger est contre la mauvaise herbe. Quand vous maîtrisez l’herbe, vous avez moins d’attaques sur le citronnier.
Mycorhizes pour booster le cacaoyer
L’une des solutions durables proposées dès la mise en place des cacaoyères est l’enrichissement du sol avec des champignons mycorhiziens. «Myco préserve les plants de la sécheresse, réduit les attaques de pourriture brune des cabosses et les pourridiés qui tuent les plants» confie le Pr. Dieudonné Nwaga . Toutefois, précise-t-il, il faut éviter les pratiques culturales inadéquates tels le brûlis et le mélange des mycorhizes avec les pesticides pendant l’inoculation dans le sol.
Le ton est le même pour tous les praticiens de l’agriculture verte: pas d’engrais chimiques, ni de produits phytosanitaires. Le sol, le produit, le producteur et le consommateur s’en porteront mieux.
Marie pauline Voufo