Cameroun : L’eucalyptus, trésor controversé des grassfields

Vorace en eau, l’eucalyptus est combattu pour des raisons environnementales. Mais certains mettent en avant les avantages socio-économiques que cet arbre apporte aux ruraux.

Des recherches effectuées par l’ONG SHUMAS basée à Bamenda démontrent que l’eucalyptus est la cause du manque d’eau dans les localités où il est planté.
« Motivés par l’appât du gain, les gens ont planté des eucalyptus dans chaque espace disponible, ignorant que cet arbre  consomme, pas moins de 400 litres d’eau par jour. C’est ainsi que les rivières et le sous-sol ont été progressivement asséchés.» Déplore Stephen Dzerem, de SHUMAS.
Prince Raoul Nasser Kemajou, le président de l’organisation pour la défense des droits de l’homme et la protection de l’environnement (OHDPE) renchérit: «Les racines d’eucalyptus déshydratent le sol et tuent les autres plantes. Il est indispensable de préserver les cultures vivrières.»
Malgré les désagréments environnementaux  l’eucalyptus est d’une richesse inestimable pour les populations de l’Ouest et du Nord-Ouest.
Fotso Jean-Jules, menuisier à Mbouda, en parle: «C’est la principale essence que nous utilisons ici pour fabriquer les meubles et construire les charpentes des maisons. C’est un arbre très solide. Mais l’essentiel est vendu pour servir de poteaux à la société d’électricité et à la société des télécommunications.»
Son exploitation est tellement lucrative que les paysans se regroupent en association pour en tirer le maximum de gains et défendre plus efficacement leurs intérêts.
D’un autre côté, l’eucalyptus est une pharmacie vivante pour les populations qui se servent des feuilles pour soigner diverses maladies comme la fièvre, les affections respiratoires et digestives. Il est réputé pour soulager les rhumatismes.
Par ailleurs, les paysans profitent des fortes colonies d’eucalyptus pour pratiquer l’apiculture, car c’est un arbre dont le nectar est très apprécié des abeilles.
Pour le Pr Tchawa Paul, co-auteur de l’ouvrage «Gestion de l’espace et effets écologiques de l’eucalypculture en pays Bamiléké (Ouest Cameroun), la question ne se pose pas en termes d’être pour ou contre la culture de l’eucalyptus mais de l’éloigner des sites propices à l’agriculture.
Comme alternative à cette culture, l’Agence Nationale d’Appui de Développement Forestier (Anafor) promeut  le Grevillea robusta appelé Chêne soyeux d’Australie. Cet arbre a  les mêmes vertus que l’eucalyptus, et a l’avantage d’être moins vorace en eau. Mais son adoption par les communautés reste encore mitigée.
Irénée Modeste Bidima
Infocongo.org

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