A peine une quarantaine de kilomètres séparent cette localité de la Mefou et Akono à la capitale Yaoundé. Mais pour y parvenir, il nous a fallu faire un détour de plus de vingt kilomètres à pieds.
Le voyage de Nkolbibanda avait pourtant bien commencé à bord du taxi brousse emprunté à Yaoundé pour rejoindre le village où nous attendait un groupe de femmes pour un reportage.
La voiture roule bien jusqu’à cet instant fatidique où elle accoste au milieu de la forêt un homme faisant de l’autostop avec des sacs de vivres. Quoi de plus normal que de venir en aide à un paysan désespéré!
Bercés par les histoires les unes toutes aussi intéressantes que les autres de notre nouveau compagnon que nous surnommons «Dieudonné», mes collègues et moi lui faisons confiance comme guide. En effet, il disait maîtriser toutes les pistes qui mènent à notre destination.
Au cœur de la forêt
Curieusement, au bout d’une trentaine de minutes à arpenter le buisson, tout le monde se sent perdu. Ça commence à sentir le roussi. Dans la foulée, notre fameux guide signale à Ludovic le conducteur qu’il est pressé et doit vite arriver à Yaoundé pour y livrer sa marchandise.
Ludo, flairant une nouvelle affaire où il peut gagner de l’argent, s’agace et n’a plus envie de poursuivre le chemin avec nous. La piste agricole glissante empruntée en ce temps de pluie joue en sa faveur. Il ne se fait pas prier pour demander aux passagers de libérer son véhicule sauf l’autostoppeur. Pas moyen de le supplier. Il ne nous gère plus.
Abandonnés dans le buisson, mes collègues et moi prenons notre destin en mains. C’était le début d’un long périple.
Avant de nous quitter, «Dieudonné» nous avait quand même confié que notre destination était à environ 5 à 6 km. C’est donc tout naturellement que nous nous élançons au cœur de la forêt. Après tout, un peu de sport ne fait pas mal.
Très vite nous déchantons. Une des femmes du groupe qui nous attendait réussit enfin à nous joindre par téléphone. Malgré la mauvaise qualité du réseau à cet endroit, nous retenons deux choses: primo, nous avons pris la mauvaise route. Secundo, nous devons rebrousser chemin vers le carrefour et prendre l’embranchement qui nous conduira à Nkolbibanda.
Point besoin de préciser que les traces attestant le passage d’un véhicule en ces lieux remontaient à une époque bien lointaine. Les plus récentes étaient plutôt associées au passage d’animaux sauvages. Ne me demandez d’ailleurs pas lesquels…
Une nouvelle destination
Nous décidons plutôt de continuer à avancer. Après une heure de marche, enfin un habitant. Il nous informe que nous pouvons atteindre le village en poursuivant notre route sur environ 7 km encore. Comme indication, nous verrons une maison avec un drapeau, celle du «Nkukuma».
Soutenus par des cannes de circonstance (les jambes ne tenant plus) et réconfortés par la présence de goyaviers qui abondent le long du chemin, mes collègues et moi marchons près de deux heures. Et voilà un drapeau flambant neuf qui trône devant la maison du chef en pleine forêt. Ça nous redonne des forces.
A l’issue d’un échange avec sa majesté, nous comprenons que «Dieudonné» nous a déviés de notre route pour faire transporter son manioc pour Yaoundé à temps. Quels cons avons-nous été!
Après la chefferie, nous parcourons encore près de deux kilomètres. A destination, une demi-douzaine de femmes rurales qui ont brillé par leur patience, nous attendent dans un merveilleux champ de manioc. Bienvenue à Nkolbibanda!
Alain Georges Lietbouo