Cameroun : premiers pas prometteurs pour le Warrantage

Obtenir un crédit bancaire en garantissant sa production de céréales, certains agriculteurs du Septentrion l’ont  essayé et ont réussi. C’est le «Warrantage».

Warrantage Les sacs de céréales stockés pour le warrantage portent  chacun le nom du producteur
Stocker ses céréales pour obtenir un crédit et les revendre plus cher après trois mois.

Les résultats de cette forme de crédit lancée au Cameroun depuis la campagne agricole 2015 sont déjà visibles.
« Les établissements de microfinance (EMF) engagés dans le Warrantage ont accordé 44,5 millions Fcfa de crédits  garantis avec des sacs de céréales, à un millier de producteurs des régions de l’Adamaoua, Nord et Extrême-Nord. Soit 60% de la valeur des 600 tonnes de maïs, arachide, niébé, haricot, mil, paddy, soja, stockés par ces derniers.» affirme Daniel Marchal, spécialiste du warrantage et promoteur de ce concept au Cameroun.
Ces résultats restitués  le 12 mai 2016 à Yaoundé, ont été obtenus, d’après Souleymanou Hamadou, responsable du suivi-évaluation au Centre Régional d’appui à la Professionnalisation Agropastorale (CRPA), après des missions de sensibilisation et formation des  groupements paysans et  EMF avec l’appui du  Programme d’Amélioration de la Productivité Agricole, composante  Appui à la Diversification des productions en Zone Cotonnière  (PAPA/ADZC). Une équipe du Burkina Faso et du Niger pratiquant le Warrantage y a participé, apprend-on.

Souplesse des crédits

« Au début, les EMF étaient réticents, avaient maintenu les modalités habituelles de crédit, demandaient une  assurance des produits stockés, des comptes d’exploitation individuels.» explique Daniel Marchal. Mais après plusieurs démarches, ajoute-t-il, on note l’enthousiasme de ces établissements de microfinance et une souplesse dans les conditions d’accord de crédit. Par exemples: un faible taux d’intérêt d’en moyenne 1,5% par mois, une simple déclaration de l’activité génératrice de revenus à mener avec le crédit et l’assurance non exigée.
Le Warrantage se présente comme un outil d’accès des plus démunis aux crédits bancaires. Mais,  dans le contexte actuel de pauvreté accentuée du milieu rural, ce concept ne saurait être un outil d’amélioration substantielle des conditions de vie des agriculteurs. Les experts du concept pensent que si en aval, les producteurs sont mieux formés à l’organisation et la gestion des récoltes, en amont, l’Etat doit jouer pleinement son rôle d’amélioration de la productivité des exploitations familiales et de construction des magasins de stockage destinés réellement aux petits producteurs.

Michelle Mbiendou

« J’ai reçu du crédit pour faire ma pépinière de laitues »

Madame Itta Tala Moussa (au milieu), maraîchère à Ngaoundéré, bénéficiaire du Warrantage.

Warrantage Mme Itta-au milieu- présentant ses sillons de  laituesPeut-on avoir des détails sur le crédit qui vous a été accordé?
Personnellement, j’ai eu à stocker 4 sacs de 100 kg de maïs. Cela m’a permis de bénéficier d’un prêt de 28 000 Fcfa. Mais, l’ensemble de notre Union de GIC constituée de 14 membres dont 12 femmes et 2 hommes, a stocké 172 sacs de maïs et a bénéficié d’un crédit total de 1 341 600 Fcfa.

Avez-vous réellement tiré profit du Warrantage?
Bien sûr. Avant le Warrantage, j’éprouvais des difficultés à avoir les semences. La mise en terre des pépinières correspond à une période où nous avons vendu toute notre production. Nous nous retrouvons très souvent les poches vides, et sommes incapables d’accéder au financement, puisque nous ne pouvons pas remplir les conditions qu’imposent les financiers pour octroyer le crédit. Cette fois-ci, ça a été différent. Certains peuvent penser que 28 000 Fcfa c’est  peu de chose. Mais quand vous êtes dans une situation comme la mienne où vous avez une famille et très peu de ressources, vous réalisez tout de suite que ce n’est pas rien. Ce prêt m’a permis d’acheter de la semence et de produire 11 sillons de laitues que j’espère vendre à 5000 Fcfa le sillon.

Propos recueillis par
Abbo Mohamadou

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