La saison sèche est rude cette année, nous manquons de verdure même dans les bas-fonds au Nord du Cameroun. Nos bêtes maigrissent malgré la consommation des pailles et des résidus de culture. Nos chèvres et moutons manquent de nourriture. Quel type de paille utiliser et comment améliorer la qualité ?
Soulemane, Garoua, Cameroun
Cher Soulemane,
Toutes les pailles de céréales peuvent convenir à l’alimentation des ruminants (bovins, chèvres, moutons) dans le nord du Cameroun, à condition qu’elles aient été récoltées sèches et stockées à l’abri des intempéries.
Les grosses pailles ont une valeur nutritive généralement meilleure que les pailles fines. Les céréales à gros grains ont un ratio paille/grain plus élevé que les céréales à grains fins, c’est-à-dire que leur paille constitue une plus grande part de la biomasse de culture totale.
Quand la paille est le seul fourrage disponible, sa principale valeur tient au fait qu’elle permet aux animaux de subsister pendant la saison sèche. La paille en tant qu’aliment ne donne pas de hauts niveaux de production.
Du fait du manque d’aires de pâturage et de la pauvreté des résidus agricoles en zone sahélienne au nord du Cameroun, le cheptel ne peut pas exprimer pleinement son potentiel. En saison sèche, les animaux s’alimentent principalement de pailles de brousse et de résidus de récolte tels que pailles de riz et tiges de mil ou de sorgho.
La caractéristique dominante de ces fourrages grossiers est leur faible ingestion, leur faible digestibilité et leur faible valeur nutritive.
Tous les fourrages grossiers, peu digestibles et pauvres en azote, peuvent être traités à l’urée, ce qui permet non seulement de rehausser leur valeur nutritive mais aussi d’améliorer leur digestibilité et d’augmenter leur ingestion par les animaux.
Pour ce traitement il faut suivre les étapes suivantes.
Traitement de 1 tonne de matière sèche
a) Ramasser tout le matériel nécessaire sur le lieu de travail.
b) Creuser une fosse de 2m x 5m x 1m.
c) Mettre une première couche de paille pour tapisser le fond de la fosse.
d) Peser des bottes d’un poids donné (par exemple 20 kg).
e) Diluer 5 kg d’urée dans 50 litres d’eau.
f) Etaler les bottes de 20 kg de fourrage en couches successives de 100kg dans la fosse et bien tasser.
g) Asperger chaque couche de fourrages au moyen d’un arrosoir contenant 10 litres de solution d’urée et bien tasser la couche.
h) Recommencer les opérations f et g jusqu’à épuisement de la quantité de fourrage,
i) Mettre une dernière couche de fourrage non traitée et bien recouvrir le tout avec les matériaux telles les vielles nattes.
j) Placer les objets lourds (pierres, briques, morceaux de bois) pour fixer la couverture.
k) Rincer les mains pour éviter une éventuelle intoxication à l’urée.
l) Laisser la fosse en place pendant 1 à 2 semaines.
Utilisation du fourrage traité
Il faut distribuer le fourrage traité à l’urée exclusivement aux animaux fonctionnels (vaches, bœufs, moutons, chèvres, dromadaires). Ne jamais distribuer le fourrage traité à l’urée aux chevaux, ânes, ni même aux jeunes ruminants (veaux, cabris, agneaux).
Pour permettre une adaptation de la flore ruminale au fourrage traité, une période de transition de deux semaines est nécessaire. Le fourrage traité ne représentera donc qu’un tiers des fourrages grossiers donnés à l’animal la première semaine, deux tiers la deuxième semaine et la totalité par la suite.
Respecter une période d’adaptation d’environ 1 à 2 semaines selon les étapes suivantes :
Première semaine : un volume de paille traitée + deux volumes de paille non traitée + eau.
Deuxième semaine : deux volumes de paille traitée + un volume de paille non traitée + eau.
Troisième semaine : paille traitée seule + eau.
Pour valoriser pleinement le fourrage traité, le ruminant doit le recevoir pendant une période assez longue, en évitant toute interruption.
En cas d’intoxication, le vinaigre peut être utilisé comme antidote. De préférence prévenir l’agent vétérinaire.
Le fourrage traité peut être conservé plusieurs mois dans le silo (fosse) de traitement laissé bien fermé. Cependant, l’agro éleveur peut aussi vider ce silo, sécher le fourrage traité et le placer dans un endroit sec (un grenier, par exemple).
Avantages
Les avantages sont multiformes:
– Le traitement des pailles à l’urée est simple, économique et facilement maîtrisable.
– Le goût et la valeur nutritive des fourrages grossiers sont améliorés.
– La durée d’engraissement chez les animaux d’embouche est réduite.
– Une augmentation significative de la production de lait chez les vaches laitières est observée.
– Le fumier est plus abondant et de meilleure qualité.
– L’état sanitaire des animaux est amélioré, ce qui permet à l’agro éleveur de réduire ses dépenses vétérinaires. En période de soudure, la mortalité du bétail est traditionnellement très élevée, mais avec le fourrage traité, il est possible de remettre en état en quelques semaines des animaux maigres qui, n’auraient pas survécu.
Inconvénients
Comme contraintes, on relève:
– Le risque d’intoxication en cas de grande consommation.
– L’augmentation de la quantité d’eau bue quotidiennement par l’animal. L’abreuvement doit être fait deux ou trois fois par jour au lieu d’une fois, pour ne pas limiter l’un des bienfaits du traitement qui est d’augmenter l’ingestion.
– Enfin, la faible disponibilité de la paille.