Installée à Wassandé, localité située à 80 kilomètres de Ngaoundéré, la Société de Développement de la culture et de la transformation du Blé (SODEBLE) a officialisé sa chute en avril 1988. Les vestiges de cet ambitieux projet étatique toujours perceptibles sur le site attendent d’être réhabilités.
Vues au loin, des hautes tours métalliques qui servaient autrefois de silos de stockage à la SODEBLE. Tout à côté, s’étend à perte de vue un paysage identique à celui de ces plaines céréalières américaines, qui laisse croire que le complexe céréalier autrefois siège de l’une des plus grandes entreprises agricoles du Cameroun, remplit encore ses fonctions. Que non!
Une fois sur site, tout est calme. Les entrées et sorties incessantes des camions et des tracteurs, les interminables passages des avions agricoles volant d’un bout à l’autre du site des parcelles à ensemencer, le ballet des agents techniques, des travailleurs agricoles et des manœuvres qui animaient jadis le site, ont laissé place aux chants d’oiseaux et au beuglement des bovins. Difficile de s’imaginer que 800 personnes travaillaient sur place en 1978.
Les villas des cadres et le campement des manœuvres de la société sont en décrépitude. Les engins en bon état de fonctionnement à la fermeture de l’usine, ne sont plus que des amas de ferraille envahis par la broussaille.
« Cette usine était la fierté des Camerounais. Lors de ses années de gloire, elle fonctionnait 24h/24. Les équipes se relayaient de jour et de nuit. Après la forte sécheresse de 1983, les productions de la SODEBLE ont ravitaillé plusieurs pays d’Afrique comme l’Ethiopie ou le Tchad», se souvient Ibrahima Oumaté, riverain de l’usine. En ce temps-là, l’ambition du Cameroun était claire: devenir le grenier à blé de l’Afrique Centrale. «Le projet de culture du blé engagé à travers la SODEBLE devait permettre au pays, d’assurer son indépendance alimentaire», ajoute Ibrahima Oumaté.
Echec de la relance
La SODEBLE a été créée par décret présidentiel le 19 février 1975 avec pour objectif de couvrir la majeure partie des besoins du Cameroun en blé tendre. La phase préparatoire du projet a mis en culture 10.000 hectares de blé. Les résultats des essais ont permis d’escompter un rendement moyen de 24 à 25 quintaux par hectare, ce qui a permis de fixer à 100.000 tonnes de blé par an, l’objectif de production de l’usine de Wassandé.
Mais le 24 avril 1988, un communiqué officiel radiodiffusé annonce l’arrêt des activités de la SODEBLE, alors même qu’après environ 13 années de fonctionnement, la société n’a jamais pu produire le dixième des 100 mille tonnes de blé visées annuellement.
Les rapports de l’Institut de Recherche et de Développement (IRD) de l’époque indiquent que les causes du naufrage de la SODEBLE sont multiples. Elles sont la combinaison d’une étude de faisabilité mal réalisée, d’un manque de maitrise de la grande culture, d’une gestion calamiteuse de l’entreprise, de l’inadaptabilité du sol et des mauvais rendements ayant conduit la société à accumuler des dettes de plusieurs dizaines de milliards de Fcfa.
Une trentaine d’années après le naufrage, les initiatives de sa relance demeurent infructueuses. « Des Egyptiens, des Sud-africains, des Turcs et des investisseurs nationaux ont envisagé de reprendre cette usine. Plusieurs Ministres de l’Agriculture et du Développement Rural sont passés nous annoncer la relance de la SODEBLE, nous n’avons toujours rien vu», déplore Hamadama Hassan, leader communautaire à Wassandé. Selon lui, les tentatives de relance traduisent l’incapacité du Cameroun à développer sa production locale de cette céréale.
Cependant, les riverains de Wassandé ne désespèrent pas à l’idée qu’un jour, le fleuron de leur localité se relève de ses ruines pour fournir à nouveau le blé au Cameroun.
Abbo Mohamadou