Bourrés d’argent liquide, un type d’hommes d’affaires asiatique écument les forêts avec la complicité de quelques élites et de certaines populations locales à la recherche du bois.
Abou, chauffeur d’un particulier chinois acheteur de bois a depuis douze mois parcouru différentes zones forestières du Cameroun à la recherche du bois. Les localités les plus retirées du sud et l’est du Cameroun n’ont plus de secrets pour lui. Son activité quotidienne, conduire un expatrié asiatique dans ces brousses.
C’est avec du recul qu’il se rend compte qu’il a participé à une activité illégale. « Je conduisais mon patron chinois. Je ne savais jamais quand nous devions partir encore moins la destination. Quand il m’appelait je répondais présent et il m’annonçait séance tenante notre destination. Je n’avais plus le droit dès ce moment de passer un appel avec mon téléphone, j’utilisais désormais le sien. » Souligne-t-il.
En effet, le patron d’Abou transportait dans ses bagages, d’importantes sommes d’argent. Des « dizaines de millions » se souvient-il. Une fois à destination, une partie de l’argent était donnée à un groupe de villageois qui attendaient et la route se poursuivait. » Conclut-il.
Les riverains au cœur de l’action
De sources concordantes, cette technique d’exploitation illégale est déjà bien rôdée. Avec la complicité de certaines élites et des populations locales, ces nouveaux types d’hommes d’affaires forestiers ont accès illégalement au bois coupé dans n’importe quels espaces forestiers accessibles, contre de forte sommes d’argent. Ces derniers coupent de nombreuses essences qui seront plus tard exportés dans les pays asiatiques.
Au cours de l’enquête, l’on apprend par exemple, que ces essences sont blanchies à travers les estampilles des pays voisins ou des documents sécurisés des forêts communautaires. Les estampilles du Congo Brazzaville, RCA et Gabon sont très souvent utilisées.
Se servant principalement de cette technique, la Chine devient une destination d’exportation importante du bois du Cameroun. Selon certaines statistiques digne de foi entre 2009 et 2014, 2 586 240 m3 de bois ont été exportés vers la Chine, ce qui représente 35,1% du total des exportations. 84,8% de toutes les exportations vers la Chine soit 2 193 382 m3, étaient sous forme de grumes.
Des statistiques et des pratiques qui appauvrissent davantage non seulement l’Etat, mais aussi les populations locales.
Alain Georges Lietbouo