« COVID 19 – Le Cameroun peut-il supporter le choc d’une crise alimentaire »

Bernard NJONGA, Président du CRAC (Croire au Cameroun) aborde le sujet d’actualité le plus brûlant de l’heure sous l’angle de ses conséquences sur la sécurité alimentaire des Camerounais. Selon l’expert du monde rural, si rien n’est fait pour activer la production agricole locale, le Corona virus encore appelé Covid-19 conduira le pays vers une crise alimentaire plus virulente que  le virus lui-même. C’est maintenant qu’il faut agir, et pas demain!

  1. Le Cameroun pourra-t-il supporter le choc d’une crise alimentaire?

NON !  J’en doute.  Ailleurs, nous le voyons, pour éviter la pénurie alimentaire, on fait appel aux stocks de vivres  qui ont été constitués soit au niveau des coopératives, des collectivités, des distributeurs, des exportateurs ou encore au niveau des industries agroalimentaires. Nous voyons aussi que ces stocks sont constitués des produits du terroir et non des produits importés. Nous voyons qu’ils sont issus des surplus de production dont certains ont été transformés pour  faciliter la conservation. Ces stocks sont connus en termes de lieu de stockage, de qualité et quantité et sont mobilisables en un claquement de doigts pour alimenter les marchés en rupture de stocks où qu’ils se trouvent et ceci sans aucune spéculation.

Au Cameroun les productions locales sont extrêmement faibles pour plusieurs raisons et ce, malgré d’énormes potentialités de production. Les demandes en produits alimentaires croissent sans cesse. Pour y faire face, on importe de plus en plus de denrées. De la production à la consommation, il n’existe aucune organisation, aucune structuration qui puisse aider à compiler les données et gérer la fluidité des productions et des demandes. Pour ce qui est de la distribution, c’est le sauve qui peut. Le terroir de l’informel. Allez voir au marché de Mokolo à Yaoundé ou au marché de New Bell à Douala. Ils font figure de jungles où pour y aller, client comme vendeur, il faut se  préparer au sens propre du terme. Criez «Oh voleur!», vous risquez d’être confondus au voleur. Et si vous aviez votre voleur entre les mains, mieux vaut encore le laisser partir car tout peut arriver à vos dépens.

Et que dire des supermarchés? Quelques-uns existent dans les grandes villes, des exceptions qui confirment la règle. Même s’ils offrent à une clientèle très marginale des produits manufacturés ou agro-industrialisés de manière parfois douteuse, reconditionnés à une date de péremption voulue ou pour faire simple, une date inexistante au cas où par miracle une clientèle venait à y prêter attention.  Il est peut-être vrai que  tous les magasins ou tous les produits ne subissent pas ce traitement d’un autre genre. N’empêche. Et si les magasins d’ici vendaient les invendus de ceux de là, qu’adviendrait-il si ceux de là n’ont pas d’invendus? Pour sûr, ce n’est pas dans les milieux de l’agrobusiness qu’il faille chercher les enfants de chœur.

Au Cameroun, les stocks de réserve n’existent nulle part. Si oui, ceux constitués par les importateurs pour les fins spéculatives, aux dépens non seulement des productions locales et de la sécurité alimentaires, mais aussi du pouvoir d’achat des populations. Il faut le dire pour le regretter, cette situation régulièrement décriée par la société civile est malheureusement soutenue par les pouvoirs publics qui vont jusqu’à accorder des facilités fiscales et administratives aux importateurs. Des coopératives en faillite à l’instar de l’UCCAO à Bafoussam qui après avoir mis la clef sous le paillasson, ont mis leurs magasins à la disposition des importateurs de denrées.

Dans la frénésie de l’heure, les importateurs et le MINCOMMERCE sont en première ligne et jouent les acteurs de la scène. Ils sont visibles tant pour contrôler les prix que pour contrôler les stocks. Rien ou presque ne se dit concernant les productions locales.  Et pourtant  on sait que cette approche basée sur les importations est plus que risquée car ce n’est qu’en contrôlant la production locale qu’on peut contrôler les prix, les quantités ou encore les répartitions.

Comme une lueur d’espoir, on constate que les populations prennent de plus en plus conscience des risques que représente le COVID-19. Après cette prise de conscience, ont-elles des solutions qui ne leur soient pas suicidaires? 90% de la foule qu’on trouve sur le marché de Mokolo ou de New Bell par exemple, vivent au jour le jour en cherchant à tirer leur pain quotidien des dynamiques morales ou immorales de ces marchés.

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