La période allant de novembre à mars est toujours mouvementée à l’Ouest Cameroun. Le culte aux morts y prend tout son sens, avec des danses et des agapes grandioses.
A ne pas confondre avec les cérémonies d’enterrement ou obsèques comme définies dans les dictionnaires français, les funérailles sont dans la région de l’Ouest Cameroun des moments où les morts, anciens et nouveaux, sont célébrés de la façon la plus grandiose et joyeuse.
A cette occasion, des cérémonies rituelles exécutées généralement côté jardin par la famille en mémoire des disparus consistent à verser un peu de sel, d’huile de palme, de sang de chèvre, de sauce jaune sur le(s) crane(s) du ou des morts concernés qui parfois ont été préalablement exhumés sous la conduite d’un grand marabout du village.
Côté cour, durant ces moments prévus souvent les week-ends, plusieurs activités sont mises en œuvre pour accompagner les festivités: danses traditionnelles (Zin, Nkana, Mbéa, Makonguè pour citer le cas des Bamboutos).
La cérémonie est agrémentée de multiples cadeaux offerts aux successeurs des familles qui célèbrent leurs morts. Dons en nature selon la tradition tels que les couvertures, les casiers et cartons de boissons, les dames-jeannes de vin de raphia, les coqs et des assiettées de Taro ou de Nkondrè au porc ou chèvre pour les belles-familles du défunt.
Dons en nature et en espèces
Contributions finan-cières dont les montants sont discutés et arrêtés par les parties concernées selon le portefeuille du donateur, varient entre 20.000 et 100.000 Fcfa et vont parfois jusqu’au million selon que l’opulence du donateur qui veut faire honneur à sa belle-famille qui lui a donné sa «machine à Taro», pour parler de sa femme. Ne dit-on pas que «la dot ne finit jamais».
L’autre temps fort c’est le moment des agapes. C’est ici que la différence se ressent entre riche et pauvre. Le lieu du deuil du premier se reconnaît facilement à travers les plaques indicatives (funérailles de X, ici, réception de M et Mme Y), tentes, chaises décorées et couverts de luxe loués à prix d’or. Dans la salle de réception, la bière perd sa valeur face aux liqueurs, champagnes et autres vins de qualité réservés aux amis et invités d’honneur que sont les hommes d’affaires et politiques, les autorités administratives et traditionnelles. Même les religieux ont réussi à se frayer une place dans ce ramdam où certains rituels sont loin de coller aux saintes écritures.
Le pauvre quant à lui se contente des rites qui, selon lui, sont suffisants pour apaiser l’esprit du défunt. Au menu néanmoins, riz, couscous, plantain, un peu de bière et de vin blanc meublent la table et suffisent pour «pleurer le deuil».
Les danses traditionnelles agrémentent la phase d’exhibition sur la cour principale de la cérémonie. Et même là, les inégalités transparaissent. Le millionnaire «farote» (gratifie) ses danseurs avec des billets de banque craquants, accompagnés des coups de canon moderne dont les balles ne sont pas à la portée du premier venu. Le pauvre quant à lui, se contente de distribuer des pièces jaunes ou blanches, et parfois du whisky en sachets. L’essentiel étant de laver la malédiction sur sa tête.
Activité économique florissante
De novembre à mars de chaque année, l’activité économique à l’Ouest connaît une explosion particulière. Services traiteurs, sociétés brassicoles, vendeurs de chèvres, de porcs et de vivres se taillent la part du lion, sans oublier les transporteurs qui augmentent à leur guise le prix des déplacements. C’est également l’occasion pour les familles indigentes de manger de la bonne nourriture au village.
Tout cela mis en commun, donne une particularité aux funérailles, surtout avec les photographes et cameramen commis pour immortaliser l’événement.
Le mois de mars passé, les opérateurs de l’industrie du culte aux morts, se contenteront de quelques enterrements, en attendant novembre prochain pour renouer avec les fêtes chaque week-end.
Alex Michael Tanon, correspondant local.