Les rares chiffres officiels disponibles révèlent un engouement pour les activités du secteur primaire. Engouement entretenu par les incitations gouvernementales et une législation sociale inclusive. Mais aussi l’indigence ambiante.
Le 5 octobre 2011, le Président Paul Biya, alors en campagne présidentielle à Maroua déclarait : « notre agriculture emploie actuellement 45 000 travailleurs». Chiffre médiocre dans un pays potentiellement agricole ? Oui, peut-on dire a priori. Mais dans la réalité, il n’en est rien. Est travailleur, selon le code du travail, toute personne qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction de l’autorité physique ou morale, publique ou privée. Celle-ci étant considérée comme employeur.
Malheureusement, beaucoup d’employés agricoles échappent à ce cadre légal. Ce qui rend difficile un décompte exhaustif. Mais de façon empirique, 60% de la population vit de l’agriculture au Cameroun. Les uns à leur propre compte. Les autres en qualité de salarié agricole. Expression désignant, selon le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle (Minefop) « une personne travaillant dans une entreprise agricole et recevant en contrepartie une rémunération salariale. »
Mercredi dernier, un cadre du Minefop, qui a requis l’anonymat, a affirmé que l’agriculture a fourni près du tiers des emplois créés ces deux dernières années au Cameroun. Soit 225 000 en 2013 et 283 443 en 2014. Plus précis, le Fonds national de l’emploi (Fne), indique via sa direction de la communication et des relations publiques qu’au 31 décembre 2014, « 82 394 emplois ont été créés dans le cadre du Programme d’appui au développement des emplois ruraux (Pader). » Bon à savoir : le Pader a été créé par le Fne pour booster l’emploi en milieu rural. Seulement, très peu de données voire aucune n’émanent des structures indépendantes. Il est donc difficile de confronter les rares chiffres gouvernementaux sur les emplois agricoles.
Couverture sociale
Le travailleur agricole peut-il être assuré ? En principe oui, répond-on à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Explications : « concernant les travailleurs dans des exploitations agricoles, la législation sociale oblige leurs employeurs à les immatriculer à la Cnps, à déclarer leurs salaires et à reverser tous les mois leurs cotisations sociales. Pour les agriculteurs indépendants, ceux qui sont leurs propres employeurs, depuis le décret n°2014/2377/PM du 13 août 2014, ils ont la possibilité de venir à la Cnps s’immatriculer. Avant le décret du Premier ministre, les travailleurs agricoles indépendants n’avaient pas droit à la couverture sociale», explique Simon Meyanga, responsable de la Communication de la Cnps. Depuis la publication du décret qui a pris effet pour compter de sa date de signature, « 10.000 assurés volontaires ont été enregistrés au mois d’avril 2015. Parmi lesquels de nombreux agriculteurs», renseigne Simon Meyanga.
Bons et mauvais grains
A la Cnps, on tient une liste noire des mauvais employeurs agricoles. Cameroon Tea Estate (Dawara) tient la palme d’or. « Cette entreprise agricole ne déclare pas ses employés. Ne les affilie pas, fulmine le responsable de la Communication de la Cnps, nous avons trainé Cameroon Tea Estate au tribunal. Retenir les cotisations de ses employés et ne pas les reverser est un détournement de fonds. » Chez les syndicalistes, c’est la même complainte. « Seules les agro-industries respectent les textes.
Les entreprises à l’instar de Safacam, PHP Penja, Socapalm acceptent des syndicats en leur sein et arriment les salaires de leurs employés aux conventions collectives du secteur. A l’inverse, dans les entreprises agricoles appartenant aux Camerounais, c’est la jungle. Aucun texte n’est respecté. Les employés sont traités de temporaires parce qu’on ne veut pas régulariser leur situation. Le patron de Cameroon Tea Estate a militarisé les accès à sa société. Vous n’y entrez que muni d’un laissez-passer délivré par l’entreprise. Inadmissible dans un Etat!», se lâche Isaac Bissala, président confédéral de l’Union générale des travailleurs du Cameroun (Ugtc). Grosses batailles dans le secteur!
Thierry Djoussi