Le secteur agricole qui emploie 54 % de la population et représente 20% du PIB est fragilisé par les conséquences du changement climatique selon une étude de la banque mondiale de 2015.
Le climat a toujours occupé une place centrale dans la vie des agriculteurs. Face aux incertitudes grandissantes, il faut trouver des stratégies pour anticiper et se protéger. C’est là qu’intervient l’assurance indicielle agricole aussi appelée assurance climatique agricole.
Ce type d’assurance utilise des indices météorologiques tels que la température, la pluviométrie, le taux d’humidité, ou encore la vitesse du vent etc. censés être reliés au cycle de développement des cultures agricoles. Les paiements sont déclenchés dès que l’indice atteint un seuil qui a été préalablement défini. Cela signifie que les visites coûteuses des experts sur des exploitations pour évaluer les pertes ne sont plus nécessaires.
Au Cameroun, le sujet n’est pas nouveau. En 2017, le gouvernement camerounais dans le but de développer cet outil innovant a demandé à la Banque Mondiale de réaliser une étude de faisabilité. L’étude a constaté que le Cameroun, membre de la Conférence interafricaine des marchés de l’assurance (CIMA) dispose d’un environnement propice au développement d’un marché de l’assurance agricole. Suite à ces résultats, des recommandations ont été faites, notamment qu’un appui technique et financier soit mis à disposition pour la mise en œuvre d’un projet pilote d’assurance agricole indicielle dans la Chaine de valeur coton avec les acteurs conjoints de la Société Camerounaise de Développement du Coton (SODECOTON) et la Confédération Nationale des Producteurs de Coton du Cameroun (CNPC-C).
Avant le démarrage de cette expérience pilote, une campagne de sensibilisation a été menée en 2018 pour recueillir l’avis des producteurs et recenser les adhérents potentiels. 40 000 adhérents ont été enregistrés mais seulement 10.000 ont réellement souscrit en 2019, soit 25% des producteurs intéressés.
Premiers pas de l’assurance climatique
A la suite de sélection de AXA et ACTIVA (compagnies d’assurances retenues) avec le soutien financier du programme GIIF (Global Index Insurance Facility) de la Banque Mondiale, le premier projet pilote de l’assurance indicielle couvrant le risque sécheresse dans le secteur du coton a été lancé en 2019 dans deux zones cotonnières du pays (Kaélé et Guider). Ici, les paiements étaient calculés en fonction de données mesurant l’évapotranspiration, c’est-à-dire la perte d’eau dans le sol. Si l’évapotranspiration saisonnière tombe en dessous d’un certain seuil sur un territoire donné, les agriculteurs assurés de cette zone sont indemnisés automatiquement et rapidement, sans avoir besoin de soumettre une réclamation auprès de leurs compagnies d’assurance.
La pandémie de Covid 19 n’a pas arrangé les choses et en 2020, l’offre des produits a été suspendue du fait de la crise sanitaire. Les activités ont repris un an plus tard avec des sensibilisations qui ont permis d’enregistrer environ 13.000 adhérents. Avec le soutien des partenaires réassureurs et l’expérience de la première année, une amélioration a été apportée sur l’offre et celle-ci couvre désormais les risques de sécheresse et d’inondation liés à l’excès de pluie. Par ailleurs, l’offre s’est étendue à la filière maïs ainsi qu’à de nouvelles régions de production du coton (Ngong, Guider, Kaélé, Garoua, Maroua 1er, Maroua 2ème, Tchatibali, Mayo Galké, Touboro).
Un environnement qui tire vers le bas
Au niveau institutionnel au Cameroun, il n’y a pas un réel accompagnement permettant d’assouplir la fiscalité autour des produits d’assurance ou d’apporter des subventions pour le préfinancement total ou partiel des primes d’assurance à destination des exploitants agricoles.
L’assurance agricole, fut-elle indicielle est fortement marginale comme l’explique M.Toube, cadre dans une compagnie d’assurance de la place : « Ce type d’assurance nécessite des études et expertises coûteuses et pouvant requérir des moyens technologiques importants et des données statistiques précises. »
L’absence de stations météorologiques ou de données satellitaires fiables en est une limite. De plus, l’environnement est marqué par une forte réticence des agriculteurs exerçant en zone rurale aux produits d’assurance.
Selon Baba Boukari, conseiller technique à la GIZ et responsable du projet PROFINA (Promotion du financement agricole), « l’agriculture est principalement pratiquée sur une base de subsistance, et sous un régime foncier coutumier sans titres de propriété formels. Le faible niveau de structuration des filières et chaines de valeur agricoles ainsi que la quasi-absence d’Organisations Paysannes faitières fortes sont également des limites pour l’implémentation de ce type d’assurance ».
Agnès Balep