Mon expérience avec les ouvriers c’est que j’ai réussi à obtenir d’eux qu’ils aient une confiance inouïe en ma personne.
René Claude Metomo Elogo, exploitant de poivre à Njombé
Mon expérience avec les ouvriers c’est que j’ai réussi à obtenir d’eux qu’ils aient une confiance inouïe en ma personne. Lorsque j’ai commencé avec les ananas, ils voyaient le travail et savaient que le fruit allait tomber un jour ou l’autre. Je les rassurais parce que je vivais avec eux. Ils voyaient mon train de vie et savaient que j’étais dans le même dénuement financier qu’eux. Ils ont cru en moi. On a passé sept mois sans salaire. Comme j’avais assez de terres, je donnais une parcelle à chacun pour faire son champ vivrier qui l’aiderait à nourrir sa famille et éventuellement avoir un peu d’argent.
Mais quand il y avait des rentrées d’argent ma priorité était le salaire dont la moyenne était de 30000 F CFA le mois. Quand j’ai réglé les salaires en faisant les rappels il y a des ouvriers qui ont été très reconnaissants et qui me l’ont dit. Il y en a un qui s’est retrouvé avec 300.000 F CFA et qui a demandé une permission d’absence pour aller construire sa maison au village. Au retour, il est venu me dire « merci patron ».
Les relations que j’ai avec les ouvriers sont de nature à les rassurer. Je ne sais pas si je peux dire que j’ai une recette pour une telle gestion des rapports avec les ouvriers, mais disons que je fais corps avec eux. Une exploitation de cette taille demande que tous ceux qui y travaillent constituent une famille. Il faut faire corps avec les ouvriers, il faut être impliqué dans la vie de chacun de vos ouvriers, il faut être noyé dans la masse. Je suis patron certes, mais si je mets des barrières entre les ouvriers et moi nous n’allons pas nous comprendre. Quand vous arrivez ici dans mon exploitation vous trouverez une bande de personnes et ne saurez pas qui est le patron. Je suis parmi mes ouvriers comme un ouvrier. Je comprends leurs problèmes, j’essaie de gérer leurs problèmes, j’essaie surtout d’être juste parce que l’ouvrier a horreur de l’injustice.
Si vous n’êtes pas juste vous aurez de sérieux problèmes. Quand vous punissez quelqu’un il faut lui expliquer clairement le pourquoi, et lui faire savoir que quiconque commettra la même faute sera sanctionné de la même manière. C’est une question d’humanité. Certains patrons, lorsqu’ils dirigent des personnes dites subalternes ont des comportements d’arrogance. Il faut savoir que le monde ouvrier est très sensible à ces choses-là. Il faut considérer les ouvriers comme sa deuxième famille. Lorsque vous faites de vos ouvriers des membres de votre famille, lorsque vous êtes juste avec eux, honnête, compatissant lorsqu’ils sont dans le malheur, partagez leur joie et leurs malheurs, vous aurez en retour la fidélité, l’honnêteté, le travail bien fait et ils peuvent vous sauvez des situations critiques.
Par exemple, dans mon cas, il y a plusieurs situations où les ouvriers ont témoigné leur reconnaissance. Un matin ils ont fait grève, je leur ai tenu un langage de vérité : « voulez-vous qu’on perde les 30 ha d’ananas ? » C’était à la veille des fêtes. Comme la gestion était transparente ils ont compris, et un à un, ils ont pris leur machette et se sont remis au travail. Si j’étais venu en patron cela se serait mal terminé. Pendant les émeutes de 2008 tous mes voisins ont été touchés et mes ouvriers m’ont dit « patron tu es notre père on ne te fera rien ».
Voilà très sommairement ce que je peux vous dire en ce qui concerne mon expérience dans la gestion des ouvriers dans une exploitation agricole. Je n’ai pas de recette particulière. Je sais seulement que l’ouvrier est un maillon essentiel dont il faut prendre grand soin. Je sais que c’est un être humain, une créature de Dieu qu’il faut respecter. “
MN