Quand des ministres se tapent dessus

Pendant que le  Minader assène des coups par voie de presse  à son homologue de la recherche, les producteurs agricoles doivent se débrouiller pour avoir les semences.

Essimi Menye est ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader). Madeleine Tchuenté est ministre de la Recherche scientifique et de l’innovation (Minresi). Ils ont été nommés le même jour, par le même décret, le 9 décembre 2011. Ils sont membres d’un même gouvernement. L’incompatibilité entre les deux membres du gouvernement est à tel point que l’un déclare sans gêne que pour exister l’autre doit passer par lui. La main sur le cœur, le ministre Essimi Menye déclare: « Le Minader est disposé à travailler avec la recherche pour l’aider à exister » (Cameroon Tribune du 16 Avril 2014)
Pour  lui, l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad)est incapable de lui fournir des plants de bananier plantain après avoir encaissé l’argent de la prestation, de produire du maïs hybride, et même de suivre des procédures de passation de marchés. Sans porter les gants, le Minader déclare dans l’édition du quotidien gouvernemental ci-dessus cité: « Depuis que je suis au Minader, je n’ai pas vu la recherche arriver avec de nouvelles trouvailles nous disant que nous avons fait ceci ou cela. »

Le Minresi est ici indexé. Il est censé veiller au quotidien sur les activités et surtout sur les résultats de l’Irad placé   sous sa tutelle.  Quand de tels propos du Minader sont rapportés par le quotidien gouvernemental qui est distribué dans toutes les administrations publiques, il y a lieu de croire que la fameuse solidarité gouvernementale a foutu le camp. A moins que ça ne soit   qu’hypocrisie et maquillage  des incompétences. A voir de près, aucun des deux ministères ne devrait jeter la pierre sur l’autre. Autant le Minresi, à travers l’Irad,  n’arrive pas à développer de nouvelles variétés de maïs depuis belle lurette, autant le Minader ne parvient pas à définir et à  mettre en œuvre une véritable politique nationale de semences, ni à vulgariser les résultats de la recherche. Car ceux-ci existent quand même. Si M. Essimi Menye les cherche avec un peu de bonne foi, il les trouvera.

Que dire de leur opportunisme ? Si le Minresi restait dans son domaine, il ne permettrait pas à l’Irad de produire les semences améliorées qui sont de la compétence du Minader. Par ailleurs, le Minresi n’irait pas  non plus distribuer des semences de maïs aux producteurs, de surcroît le même jour où le Minader lance la campagne agricole.
Et si le Minader restait aussi dans ses attributions, il n’irait pas à Ibadan au Nigéria  chercher des semences de souches et les préserver jalousement dans un laboratoire à Etoug-Ebé à Yaoundé, à la place de l’Irad. Pour réconcilier ces deux-là,  peut-être devra-t-on fusionner leurs ministères. L’un ou l’autre comme co-ministre. Ce n’est pas le terrain d’entente qui leur manquerait. Par exemple le partage des projets à gérer.

Martin Nzegang

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