Les exploitants agricoles font face depuis quelques années à une pénurie sans cesse croissante de main-d’œuvre. Notamment masculine.
Rodrigue Kamga, responsable de plantation à Foumbot : “Mécaniser ou devenir soi-même ouvrier.”
A Bafoussam, au lieu dit carrefour total où chaque matin des centaines de jeunes s’agglutinaient pour attendre un exploitant qui viendrait leur offrir du travail pour une journée ou pour plusieurs semaines, c’est quelques rares femmes que l’on trouve. Celles-ci vont d’ailleurs dans leurs champs individuels ou vont aider une amie.
Où sont passés les jeunes ? Ils sont tous devenus des ‘’moto-taximen’’, répond avec une pointe d’amertume Rodrigue Kamga, ingénieur agronome et géochimiste, responsable de la plantation PROLEG. Cette entreprise agricole produit, suivant la saison et les opportunités, du haricot vert export et du maïs sur 80 ha. Il y a quelques années seulement l’exploitation refusait des ouvriers et certains passaient même par des coups bas pour avoir une place. Désormais les données ont changé. « Allez dans la ville de Foumbot et vous verrez des jeunes enfants de 14 ans perchés sur une moto. Ils préfèrent ce métier qu’ils n’ont pas appris, dont ils ne mesurent pas les risques que de venir travailler ici. »
Du coup les exploitants agricoles doivent trouver des solutions alternatives. Pour Rodrigue, il n’est pas question de compter aveuglement sur les Bororos qui, pour le moment, acceptent plus facilement de travailler dans les champs et qui ont l’avantage d’être très disciplinés et d’assez bonne moralité contrairement aux autres. A propos de la moralité des autres groupes, l’ingénieur affirme qu’il en a vu de toutes les couleurs : drogués, repris de justice…qui causaient assez de torts à l’entreprise par le vol et leur génie à développer l’industrie de l’intrigue au sein de l’équipe.
Mécanisation non préparée
La mécanisation semble être la voie de sortie mais avec qui ? C’est la grande interrogation chez les entrepreneurs agricoles qui n’arrivent pas à trouver des personnes formées pour cette mécanisation. Plusieurs exploitants que l’on rencontre aujourd’hui disent ne pas être en mesure de trouver un bon gestionnaire de tracteur par exemple. C’est sans doute un maillon que devraient prendre en compte les centres de formation, à savoir former les jeunes de façon à les rendre opérationnels sur le terrain et non se limiter à la formation théorique.
Pis, le marché local n’offre pas de machines performantes et durables. Les tracteurs indiens pour lesquels on a fait tant de bruits ont montré leurs limites et ont parfois ruiné ceux qui ont investi sans prendre quelques précautions.
Les rares jeunes ouvriers que l’on trouve dans des champs ont des ambitions autres que celles d’y rester longtemps. Ils préfèrent pour certains trouver de l’espace pour créer leur propre exploitation, économiser un peu d’argent pour faire du commerce ou alors acheter une moto pour devenir moto taximan. Témoignage d’un ancien ouvrier agricole : « J’ai travaillé dans une agro industrie mais j’en suis parti. Je me débrouille dans la cacaoyère d’un ha laissée par mon feu père. J’ai pu acheter une moto. Quand je rentre des champs, après un bon repos je commence le transport à moto vers 16 h. A 20h j’ai au moins 2000 F CFA dans la poche après avoir bu une bière »
Martin Nzegang